Distribution de cadeaux fiscaux à Genève : Comme prévu

On ne se faisait guère d'illusion sur le sort que le bon peuple allait réserver à la baisse d'impôt concoctée par les majorités parlementaire et gouvernementale genevoises de droite : par 61,2 % des suffrages (mais seulement 54 % en Ville de Genève) elle a été adoubée dimanche par le peuple. Comme prévu. Ce fut la seule victoire de la droite sortie des urnes dominicales -elle pouvait donc la célébrer, d'autant que c'était aussi, plus même qu'une promesse électorale, un véritable totem, une obsession. C'est la troisième baisse fiscale proposée par la droite et la deuxième acceptée en votation (une seule a été refusée, en mars dernier, celle sur l'imposition de l'outil de travail) depuis le début de l'année : en juin, le barême de l'impôt sur le fortune a été abaissé de 15 % par une révision de la valeur fiscale estimée des immeubles.  On ne joue pas ici à qui perd gagne, mais à un jeu à somme nulle : ce que gagnent des contribuables, les collectivités publiques le perdent (elles l'avait d'ailleurs anticipé dans leurs budgets) : le canton perd donc 326 millions de francs de recettes, les communes 108 millions, dont 53 millions pour la seule Ville de Genève. Qui va devoir demander au canton un délai de huit ans pour boucher ce trou. Avec quoi ? Sur le dos de qui ? 

Un geste pour la "classe moyenne" ? d'accord, mais quel geste ?

Quand on promet à presque tout le monde que les impôts vont baisser sans que cela n'entraîne une baisse de prestations, une majorité est évidemment à portée de bulletin de vote. Surtout après que soient tombées sur tout le monde la hausse des primes maladie et sur beaucoup de monde celle de la taxe automobile. A gauche, on ne se faisait guère d'illusion sur ce qui allait sortir des urnes de dimanche s'agissant des cadeaux fiscaux soumis au suffrage universel. Et on n'a pas été "déçus en bien" : Certes, dans 10 des 17 arrondissements électoraux de la Ville de Genève, les cadeaux fiscaux ont été refusés, mais partout ailleurs, ils ont été acceptés.A Vandoeuvres, la baisse d'impôt bidouillée par la droite genevoise a été votée dans l'enthousiasme par 83,19 % des suffrages, à Prairie-Délices, elle a été repoussée par 58,41 % des suffrages.

La baisse d'impôts entrera en vigueur le 1er janvier prochain. Pour les tranches de revenu imposable jusqu'à 38'962 francs, le cadeau fiscal sera de 8,8 à 9,6 %. Pour la tranche de revenu imposable de 38'963 à 169'208 francs, il dépassera 10 %. Il ne cessera ensuite, pour les revenus imposables supérieurs, de diminuer d'importance en proportion -mais d'augmenter en valeur- pour atteindre finalement 5,4 % dès deux millions de revenu imposable. Et on insiste : on parle bien, là, du revenu imposable, pas du revenu réel, disponible. Une bonne moitié des 434 millions perdus par les collectivités publiques seront ainsi offerts aux 2,5 % des plus riches contribuables. Qui n'en avaient pas besoin. Contrairement aux communes qui, pour financer l'accueil parascolaire, ont décidé (malgré l'opposition des villes de Genève et d'Onex) de le faire payer aux parents qui, parce qu'ils n'en avaient pas les moyens, bénéficiaient de sa gratuité. Contrairement aussi aux communes qui financent la création de places de crèches. Ou qui, comme Genève, accordent des allocations sociales (de rentrée scolaire ou de complément aux allocations complémentaires cantonales) que d'autres n'accordent pas -et qui trouveront un nouveau prétexte pour ne pas les accorder.

La baisse d'impôts acceptée dimanche est-elle la dernière que la droite va tenter de faire accepter ? La ministre genevoises des Finances, Nathalie Fontanet, assure que le Conseil d'Etat (ou plutôt sa majorité) n'en a pas d'autre à proposer -mais d'autres, du même camp, le feront sans doute à sa place : c'est bien à cela que sert une majorité parlementaire de droite.

Après le vote de dimanche, un député maudétiste a soupiré de satisfaction : après toutes les augmentations de charges qui sont tombées, "il était temps (que la classe moyenne) bénéficie d'un geste"... on vous fera grâce, ici, de préciser quel geste on a de plus en plus envie d'adresser à une "classe moyenne" dont le revenu imposable, selon ses défenseurs auto-proclamés, peut atteindre le triple du revenu moyen...


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