Une première : le refus populaire de l'élargissement des autoroutes suisses
 Une impasse élargie reste une   impasse
 Dimanche dernier, le peuple suisse du moins sa
        part qui a le droit de   vote et s'en sert) a refusé à 52,7 %   des
        suffrages (et même 61 % des   femmes, qui ont plus que   compensé  l'acceptation à 56 %   par les hommes) la proposition du
        gouvernement et du parlement de consacrer plus de cinq milliards
        de francs à élargir six tronçons autoroutiers, dont un seul en
        Suisse romande, ajouté in extremis à ce paquet pour tenter (en
        vain, comme leur vote l'a prouvé) de convaincre les Romande de
        l'accepter. C'est la première fois que les Suisses refusent un
        projet autoroutier dans un vote national. Même les cantons de
        Vaud et Genève concernés par ce tronçon (entre le Vengeron et
        Nyon) ont refusé de l'élargir. On notera au passage qu'à Genève, les seules communes ou locaux à l'avoir
        accepté, souvent de justesse, sont celles et ceux qui auraient
        le moins à en subir les dommages collatéraux (Aire-la-Ville,
        Conches, Collonge-Bellerive, Cologny, Corsier,
        Florissant-Malagnou, Hermance, Jussy, Vandoeuvres, Veyrier.)...
        Ailleurs, on a compris qu'en matière de
        transports et de mobilité, l'offre créée la demande, que plus de
        voies autoroutières, c'est plus de véhicules les empruntant, et
        que cet élargissement peut diluer les bouchons pendant un ou
        deux ans, puis les recrée. Et les disperse aux alentours. Et
        qu'une impasse élargie reste une impasse : au plus tard dix ans
        après l'ouverture d'une troisième voie, le tronçon Genève-Nyon
        serait à nouveau saturé avec une augmentation de plus de 50 % du
        trafic. 
      
Le refus du peuple de se laisser enfumer...
Le débat a été acharné, enjeu contre enjeu, études contre études, soutiens contre soutiens. Et au final, le résultat du vote renvoie deux camps presque à égalité. Mais dans un référendum, il faut un vainqueur, et un vaincu. Ils y sont. Mais ils sont après un vrai débat, une vraie confrontation politique, un vrai choix d'urgences. Dans lequel, au passage, a succombé en votation locale à Genève la passerelle piétonnière du Mont-Blanc, parallèle au pont du même nom.
Juste avant le vote sur l'élargissement des
        autoroutes, une polémique avait éclaté sur l'impact du coût de
        ce programme sur les taxes sur les huiles minérales (dont
        l'essence) qui alimentent le fonds routier, qui lui-même aurait
        financé les cinq milliards qu'auraient coûté ces élargissements.
        Le Conseil fédéral lui-même, il y a deux ans, prévenait que les
        réserves du fonds routier allaient diminuer au point qu'une
        augmentation de ces taxes pourrait être nécessaire dès 2027
        -autrement dit, que les automobilistes allaient devoir payer
        plus cher pour remplir leur réservoir (ou recharger leurs
        batteries, puisque ceux qui roulent en bagnoles électriques vont
        forcément passer à la caisse dans l'avenir) et rouler sur des
        autoroutes élargies (pour se retrouver dans des embouteillages
        quand même). Albert Rösti a eu beau essayer de botter en touche
        en démentant tout lien avec les projets autoroutiers et une
        augmentation de l'impôt sur les huiles minérales, ça n'a pas
        vraiment convaincu. Rösti avait d'ailleurs aussi tenté, en vain,
        de repousser aux lendemains d'un vote qu'il espérait bien
        remporter la publication d'un rapport sur le coût externe des
        transports, qui démontrait que ces coûts ont été largement
        sous-estimés. Ces rideaux de fumée ont été dissipés par le refus
        du peuple de se laisser enfumer... et le patron des CFF, qui
        soutenait l'élargissement des autoroutes, renvoyé à
        l'accomplissement de sa tâche : soutenir, développer renforcer
        le transport ferroviaire des personnes et des marchandises,
        rendre ses tarifs accessibles à tous, ses fréquences
        suffisantes, ses parcours rationnels. 
      
Le résultat genevois et vaudois est
        particulièrement exemplaire de ce refus : en refusant le paquet
        autoroutier, les deux cantons ont en effet refusé le gadget qui
        y avait été glissé pour tenter de leur complaire,
        l'élargissement du tronçon entre le Vengeron, à Genève, et Nyon.
        Même les deux communes genevoises les plus concernées (Genthod,
        Bellevue, Versoiy, Céligny), et la ville de Nyon,
        particulièrement concernée aussi, ont refusé ce cadeau en forme
        de piège à... ce que vous voudrez...  Pourtant, sur ce tronçon
        de la plus ancienne autoroute de Suisse (elle est sexagénaire),
        le trafic est passé de 20'000 à 90'000 véhicules par jour -il
        est vrai qu'aux heures de pointes des jours ouvrables, il n'y a
        qu'une seule personne dans chacun de ces véhicules... 
      
Et maintenant, on fait quoi, on dit quoi, on
        propose quoi ? A droite, on veut punir les cantons qui ont voté
        contre des projets concernant leur territoire : le président de
        l'UDC demande que l'argent pour les routes soit réservé aux
        cantons qui ont dit "oui" à l'extension des autoroutes". Et le
        président du Centre propose un moratoire de vingt ans sur les
        projets routiers dans la région lémanique. Après tout, ces idée
        ne sont pas mauvaises : comme les partisans d'une traversée
        routière du Petit-Lac de Genève comptent sur cet argent pour la
        financer, les en priver nous en débarrassera. 
      
Et à gauche, alors, que ferons-nous de ce résultat
        pour lequel nous militions ? De quel usage peut-il nous être
        dans l'élaboration d'une politique des transports et de la
        mobilité respectueuse de l'environnement et du cadre de vie de
        la population ? A Genève, au moins, les choix exprimés lors des
        trois votations (deux cantonales et une municipale) qui ont
        renvoyé les gouvernants du canton et de la Ville dans les
        cordes, sont convergents : en refusant d'un même bulletin
        l'élargissement de l'autoroute, la fin du droit de référendum
        populaire sur les tarifs des TPG et une passerelle péiétonne
        choisie pour ne pas toucher aux voies réservées aux bagnoles sur
        le pont du Mont-Blanc, les Genevois et voises ont sans doute
        assez clairement dit que le mantra constitutionnel, et creux, de
        la "liberté de choix du mode de transport" n'était précisément
        qu'un mantra. Ou un grincement de moulin à prière. Rien, en tout
        cas, sur quoi fonder une politique des transports et de la
        mobilité pour des décennies à venir. Et moins que rien sur quoi
        fonder son changement nécessaire. 
      
      
      
       


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