Elections municipales genevoises : Pas d'alternative à l'Alternative

En Ville de Genève, le pensum budgétaire ayant été rendu, on peut s'engager dans la campagne électorale pour les Municipales du printemps prochain. Et on peut même s'y engager avec une Alternative au complet. On attendait la décision des différentes composantes de la gauche de la gauche, et elle a été prise comme elle devait être prise après que la bête réalité institutionnelle se soit imposée : elle sera rassemblée sur une liste unique, ce qui devrait lui assurer de passer (elle peut même le faire largement) la barre, foncièrement anti-démocratique, puisqu'elle rend nuls et non avenus les suffrages de milliers d'électrices et d'électeurs, du quorum de 7 %. Ensemble à Gauche (SolidaritéS, le DAL et le Parti du Travail) et l'Union Populaire présenteront donc, pour la première fois ensemble,  51 candidates et candidats. Parce que, dit leur communiqué commun, "au vu de la composition actuelle du Grand Conseil, un contre-pouvoir municipal dans la deuxième ville de Suisse est indispensable pour faire face à la casse sociale organisée par l'alliance de la droite et de l'extrême-droite aux niveaux cantonal et fédéral". On n'a jamais dit et écrit autre chose, on se félicitera donc hautement que la gauche de la gauche se soit donné le moyen de maintenir, et même de renforcer ce contre-pouvoir. On ne regrettera qu'une chose : c'est que Genève soit la seule commune genevoise où cette force historique de la gauche genevoise ait été en mesure de présenter une liste....

Le bilan de l’Alternative parle pour la gauche. Celui de la droite aussi.

La gauche se donne donc les conditions de maintenir, voire de renforcer, la double majorité dont elle dispose au Conseil municipal et au Conseil administratif de la Ville de Genève. Une double majorité que la droite municipale aura bien de la peine à lui contester (il lui faudrait pour cela un miracle en forme de grosse connerie de la gauche...), dès lors que les trois composantes de l’Alternative seront toutes trois présentes, et alliées et que la réunion de  toutes les composantes de la "gauche de la gauche" sur une seule liste rend peu réaliste l'hypothèse de sa disparition du dernier parlement genevois où elle est encore présente. Et puis, on ne peut pas dire que la droite municipale genevoise donne l'image (et en ait donné l'image lors du débat budgétaire de samedi dernier) d'un camp capable de gagner. Divisée entre des forces dont aucune n'a de programme mobilisateur, et dont aucun des programmes spécifiques ne contient une idée force autour de laquelle  se structure un vrai discours politique, elle aura toutes les peines du monde à opposer à l'Alternative un contre-discours, un contre-projet, une "alternative à l'Alternative". Qui, elle, fonde son programme (ou plutôt ses programmes, puisqu'elle est une coalition de plusieurs organisations) sur l'exigence commune de répondre aux deux urgences climatique et sociale -une réponse en forme de priorité, résumée par la candidate socialiste au Conseil administratif Joëlle Bertossa  comme la "justice sociale et climatique"...

La justice sociale, c'est la municipalisation des crèches (la droite, "centre" compris", est contre), la réinternalisation du nettoyage des locaux de la Ville et la réintégration des nettoyeurs et des nettoyeuses dans la fonction publique (la droite, "centre" compris, est contre), l'indexation des subventions municipales, la réappropriation des quartiers par leur population. Et aussi, parce que la culture est un fait social, le pluralisme culturel, celui des lieux, des formes, des acteurs culturels. Et dans tous ces domaines, le bilan de la majorité de gauche parle pour elle. Et le bilan de l'activité de la droite au Conseil municipal parle pour elle. Et parle pour la gauche.

Pour Christina Kitsos, "Il n'y a rien de plus beau que faire aboutir une réforme" (Tribune de Genève" du 15 avril). Elle parle d'or, la Maire de Genève et elle sait de quoi elle parle : elle fut et est encore porteuse de réformes comme le financement intercommunal du dispositif d'accueil des sans-abri ou la municipalisation du secteur de la petite enfance. Des réformes qui répondent à des besoins, souvent urgents et même, s'agissant des sans-abris, vitaux. Et Christina Kitsos d'enfoncer le clou planté dans le boulier de la droite : "lorsque la population augmente, il faut octroyer les moyens nécessaires pour assurer les prestations. Si on ne le fait pas, on renforce les inégalités". Et quand les comptes des collectivités se soldent par des bonis souvent considérables (plus d'un milliard pour le canton, plus de 200 millions pour la Ville), il est "inadmissible de ne pas répondre aux besoins de nombreuses personnes qui ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts". Son programme ? "stabiliser la municipalisation" des crèches, ouvrir de nouvelles places de crèches ("si on ne municipalise pas, on n'ouvre pas de nouvelle crèche"). Mais aussi revaloriser les métiers de la petite enfance et poursuivre l'effort de maintien d'accessibilité financière aux places de crèche : cet accès "devrait devenir un droit pour toutes et tous". Pour les sans-abri, la démarche est de "mettre davantage l'accent en amont pour éviter que les personnes se retrouvent dans (des) situations de rupture" : il faut donc "prévenir les expulsions de logement, améliorer le suivi social et les moyens liés à la réinsertion".

A Genève, au plan cantonal, face à une droite disposant d'une majorité que seules ses divisions empêche d'être écrasante (mais sans l'empêcher d'être dominante), et qui vote à peu n'importe quoi pour revenir sur tous les acquis sociaux et démocratiques de ces dernières années, la gauche (parlementairement réduite aux socialistes et aux Verts, mais socialement bien plus large, grâce notamment aux syndicats et au mouvement associatif, sans oublier une gauche de la gauche qui a certes disparu du Grand Conseil mais pas des mobilisations) doit faire un usage intensif  des deux armes de la démocratie semi-directe : le référendum, pour bloquer les offensives patronales et parlementaires du "camp bourgeois", contre les droits des patients, des parents, des enfants, des enseignants, des élèves, des locataires, des salariés. Or à ces deux armes institutionnelles, dont la "Tribune de Genève" implore la gauche de ne pas faire un usage trop intensif, s'ajoute une troisième : les communes. Le contre-pouvoir municipal. Les villes. La Ville. Encore faut-il être capable de le conquérir là où on ne l'a pas encore acquis, ce contre-pouvoir, et de le tenir, et si possible de le renforcer là où on en dispose.

En Ville de Genève, la gauche s'en est donné les moyens -il ne lui reste plus à assurer l'essentiel: en convaincre les citoyennes et les citoyens. On peut le faire, on veut le faire.

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