Genève : un projet de création d'une caisse maladie publique
Un Begula dans l'aquarium de la LAMaL
Le Conseil d'Etat genevois a présenté un projet
        "Beluga" de réseau de soins et de création d'une caisse maladie
        publique, sur la base d'un rapport d'experts chargé par Pierre
        Maudet d'étudier la faisabilité d'un tel projet. Mais lors de la
        présentation à la presse de ce rapport, on a bien plus évoqué le
        volet du réseau de soins que celui de la caisse publique. Parce
        que le Conseil d'Etat et Pierre Maudet savent qu'il faut pour
        créer une caisse publique, même sous forme de projet "pilote",
        l'accord de la Confédération, et que cet accord est tout sauf
        acquis. En revanche, la création d'un réseau de soin (auquel le
        projet veut intégrer les Hôpitaux Universitaires et
        l'Institution de maintien à domicile IMAD, des médecins et des
        prstataires de santé (informiers, pharmaciens etc...) n'a pas
        besoin de ce nihil obstat fédéral... D'autant que de tels
        réseaux existent déjà. En somme, ce que Genève propose (et se
        propose), c'est après avoir enfoncé la porte déjà entrouverte du
        réseau de soins, de faire peut-être, un pas, un petit pas, mais
        un pas quand même, vers une caisse publique. Pas une caisse
        unique, pas avec des primes proportionnelles au revenu,  parce
        que le cadre légal fédéral ne le permet pas (encore), mais un
        petit pas, un petit coup de nageoire du "Beluga" dans l'aquarium
        de la LAMaL, qui le propulsera tout de même dans la bonne
        direction -même si c'est sans en atteindre le but. 
      
Un Beluga qui s'attaque à des requins, c'est beau comme une fable
Le 4 décembre 1994, le peuple suisse acceptait une nouvelle loi sur l'assurance-maladie (LAMaL), pleine de promesses : solidarité entre assurés et généralisation de l'assurance, égalité des primes entre femmes et hommes, libre passage entre caisses, catalogue de prestations, subsides individuels pour celles et ceux qui ne pourraient pas payer leurs primes et, cerises sur le gâteau, promesse que personne n'aurait à y consacrer plus de 8 % de son revenu imposable et promesse de réduction des coûts. Depuis, "il n'y a pas un seul changement dans la LAMal qui n'ait pas été annoncé avec cet objectif de stabiliser les primes. Or que constate-t-on depuis trente ans ? Exactement le contraire", observe Pierre-Yves Maillard dans le "Matin Dimanche" du 17 novembre. C'est ainsi qu'après l'introduction en 2012 d'un nouveau financement hospitalier, et la promesse qu'il allait contribuer à apporter aux hôpitaux plus de qualité et moins de coûts, on se retrouve avec des hôpitaux publics en déficit pendant que "les cliniques privées, qui sélectionnent soigneusement leurs patients et leurs activités, reçoivent l'argent public qui manque aux hôpitaux de service public". Et on se retrouve aussi avec une moyenne de 14 % du revenu disponible consacré à son assurance-maladie par une famille moyenne, des coûts (par personne) de l'assurance obligatoire qui ont crû de de 31 % entre 2012 et 2022. Et cela, malgré 4,4 milliards par an d'aides fédérales et cantonales pour 2,3 millions de personnes. Pendant quoi de grands assureurs-maladie ont investi dans des sociétés privées de soins à domicile, qui emploient des "proches aidants" qu'elle paient trente francs de l'heure... en recevant pour cela de l'assurance-maladie quatre-vingt francs de l'heure...
Année après année, les primes d'assurance maladie
        augmentent : 6 % en moyenne suisse (6,5 % à Genève) pour 2025,
        8,7 % (9,1 %) en 2024... Depuis 1996, la prime a triplé -mais
        pas les revenus, ni les salaires. Ni d'ailleurs les coûts de la
        santé, contrairement aux coûts liés au fonctionnement du système
        (et pas à la couverture des soins), qui ont triplé depuis 1996 .
        Par contre, les profits des pharmas et des cliniques privées se
        portent bien, merci pour elles, camarades assurés : vous n'y
        êtes pas pour rien, c'est vous qui payez (ou l'Etat si vous ne
        pouvez pas payer), ce sont elles qui encaissent. Quant tous les
        projets déposés pour limiter les hausses de primes se vautrent à
        Berne, la caisse publique proposée à Genève offrirait une prime
        de 20 % plus basse que la prime moyenne. 
      
Selon un sondage de l'année dernière, 68 % de la
        population était favorable à une caisse unique et publique, et
        58 % à des primes fixées en fonction du revenu. D'autres
        sondages ultérieurs signalent une adhésion du même niveau au
        projet de caisse unique et publique. Le PS a adopté en congrès
        une résolution demandant le lancement d'une initiative populaire
        portant cette revendication. Il s'agirait en fait de caisses cantonales ou intercantonales rassemblées dans
        une structure nationale dont les primes seraient plafonnées à 10
        % du revenu, les bénéfices seraient redistribués aux assurés, la
        transparence serait garantie et une part des primes affectée à
        la prévention. Ce système permettrait par rapport à celui des
        caisses privées, des économies dans la publicité,
        l'administration, les rémunérations des courtiers et des
        administrateurs des caisses. L'année
        dernière, les caisses d'assurance maladie ont dépensé 80
        millions de francs en publicité. But de cette publicité ?
        S’arracher des client·e·, mais des "bons risques" : des clients
        jeunes et  en bonne santé. Et qui finance ces dépenses de pub ?
        Ben nous, heureux assurés : ce sont nos primes de base qui
        fournissent aux caisses les moyens de se piquer des clients... La seule administration des caisses maladie a coûté
        1,72 milliard en 2023, et pèse 5 % des coûts à charge de
        l'assurance de base -des coûts eux-aussi reportés sur les
        primes. 
      
Le système actuel d'assurance-maladie "est à bout de souffle et pèse toujours sur les ménages", observe le gouvernement genevois. Il faut donc le soigner, à moins d'en changer pour instaurer un véritable système de sécurité sociale. Le soigner, c'est réduire la facture pour les assurés, grâce à la caisse publique, et, grâce au réseau de soins, améliorer l'accès aux soins, réduire les prestations inutiles, renforcer la prévention. Aucune force politique ne prendra le risque de s'opposer ouvertement à un projet comme celui, prudent, présenté par le gouvernement genevois.Tout le monde, ou presque, aurait intérêt à la création d'une caisse publique, et même d'une caisse unique, canton par canton, regroupées par région puis au niveau fédéral. Le canton, qui versera en 713 millions pour aider les assurés qui n'ont pas les moyens de payer leurs primes, les 20 % de la population qui renoncent à se faire soigner parce que, même avec l'aide cantonale, les soins coûtent trop cher, jusqu'à ce qu'ils deviennent vitaux (et coûtent encore plus cher), les professionnels de la santé... tout le monde ou presque devrait donc, sinon soutenir, du moins ne pas combattre le projet genevois. Le "presque" du "tout le monde", ce sont les caisses-maladie. Qui vivent d'un système sans caisse publique, où les caisses privées se font concurrence, encaissent des primes exorbitantes pour une part croissante de la population, et les utilisent dans une part elle aussi croissante pour payer leur publicité et surpayer leurs dirigeants.
On peut donc s'attendre à
        un concours de chausse-trappes posées devant le projet genevois.
      
Un Beluga qui s'attaque à des requins, c'est beau
        comme une fable. 
      
      



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