L'Ukraine, l'urgence climatique, l'urgence sociale... et les élections cantonales...

 

L'Ukraine, l'urgence climatique, l'urgence sociale... et les élections cantonales...


Il y a l'Ukraine, l'urgence climatique, l'urgence sociale... mais il y a aussi, et pas seulement en France, les petits calendriers politiques routiniers. A un peu plus d'un an des élections cantonales genevoises, suivies des élections fédérales, si les partis politiques ne sont pas encore en ordre de bataille, les stratégies déjà se dessinent, et les fronts, à l'ancienne, à la conformité à ce qui structure les champs politiques des démocraties depuis un peu plus de deux siècles. Ce n'est plus la Montagne, le Marais et la Gironde, mais c'est toujours la gauche (PS, Verts, Ensemble à Gauche), le centre (ex-PDC et Verts libéraux) et la droite (PLR, UDC). Petit point de la situation à Genève : depuis un an, le Conseil d'Etat genevois est à majorité de gauche, quand le Grand Conseil est resté à majorité de droite. Du coup, l'enjeu des élections du printemps 2023 est le même pour la gauche et la droite : rendre les majorités des deux pouvoirs cohérentes, ce qui signifie pour la gauche garder le Conseil d'Etat et conquérir le Grand Conseil, et pour la droite garder le Grand Conseil et reconquérir le Conseil d'Etat. La gauche rêve de réussir pour les élections cantonales ce qu'elle a réussi aux Municipales, la droite de réussir à Genève ce qu'elle veut réussir dans le canton de Vaud.

Il n’est de lieu, d'institution, politiques qui ne puissent être subvertis

Samedi dernier, le PS tenait congrès. Et adoptait une résolution sur ses alliances électorales : il souhaite  "partir dans une dynamique unie", avec l’ensemble de la gauche, donc avec les Verts et Ensemble à Gauche, dès le premier tour, avec des candidatures communes pour le Conseil d’État, et un apparentement de toutes les listes pour le Grand Conseil. A droite, la direction du PLR adopte la même position (liste unique, apparentement) à l'égard de l'UDC et du Centre, lequel n'y aurait cependant aucun intérêt (une alliance avec les Verts libéraux lui serait sans doute à la fois plus utile, et plus conforme à sa vocation proclamée). La gauche et la droite ont cependant, toutes deux, leur espace d'incertitude : la "gauche de la gauche" pour l'une, le Centre et Pierre Maudet pour l'autre. Et si nous proposons une alliance de toute la gauche, on en est encore à attendre une alliance de toute la gauche de la gauche (encore que si elle ne se fait pas, il nous sera toujours possible de nous allier avec celles de ses composantes qui sont d'accord de le faire -et tant pis pour qui se tiendrait à l'écart).

Quant à Pierre Maudet, autoproclamé (comme d'autres) "ni de droite, ni de gauche" (ou au-dessus de la droite et de la gauche...), et battu à l'élection complémentaire d'il y a un an, où il se présentait à sa propre succession, il a déclaré qu'il ne renoncera pas au combat politique. On s'en doutait : c'est toute sa vie. Et si l'élection de mars 2021 avait été générale au lieu que d'être partielle, il aurait sans doute été réélu : au deuxième tour, quand plusieurs (jusqu'à sept) sièges sont à pourvoir, les 33,6 % des suffrages qu'il a obtenu lors de la complémentaire suffisent. N'empêche que l'état de la droite nous laisse partagés entre deux sentiments : un inavouable, une sorte de ricanement cynique (un adversaire dans la mouise, c'est toujours bon à prendre), et un plus honorable : une inquiétude et un manque. Parce que la gauche a besoin d'une droite en état de s'opposer à la gauche (et réciproquement). Parce que sans opposition sur des projets, des programmes, sans contradiction de cultures politiques, il n'y a pas de dialectique politique possible. Et sans dialectique, il n'y a pas de synthèse possible. De synthèse, pas de consensus, cette machine à tuer le débat et dévaluer les choix politiques.

A une majorité de gauche renforcée au Conseil d'Etat et installée au Grand Conseil, il faudra un programme, des engagements, la capacité et la volonté de les tenir. Mais ces majorités-là, institutionnelles, ne suffiront pas, n'ont jamais suffi, à changer suffisamment les choses pour que l'effort de les produire se justifie. On le répète : à un changement politique réel, durable, profond il faut, si on tient à le faire passer par des voies légales et démocratiques, trois majorités : parlementaire et gouvernementale, certes, mais aussi populaire -à plus forte raison dans une République où presque toute décision parlementaire peut être attaquée par référendum. Or souvent peuple varie, et bien imprudent est qui parierait sur sa constance...

Une majorité populaire ne se constitue ni se manifeste dans un processus électoral ou référendaire, qui, si large que soit le corps électoral, exclut toujours du prononcement politique une partie considérable de la population. Hier, seuls les hommes mariés, propriétaires, indigènes, voire de la religion du lieu, pouvaient voter et élire. Aujourd’hui, les femmes ont conquis ce droit, l’âge du vote a été abaissé, en quelques rares espaces politiques les « étrangers » ont obtenu une partie des droits politiques institutionnels, mais le processus électif reste un processus fondamentalement élitaire, voire aristocratique, et épisodique, même là où on vote tous les trois mois, comme en Suisse. La démocratie est un état permanent, l’élection et le vote ne sont que des moments. Et le parlement, le gouvernement, que des instruments. Or il n’est de lieu, d'institution politiques qui ne puissent être subvertis -c’est affaire de volonté, d’imagination et de cohérence : il faut y être sans en être.





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