Petite enfance : Le principe du moins-payant patronal

Le principe du moins-payant patronal

Le patronat et les partis de droite se sont opposés à l'instauration du salaire minimum dans tous les cantons où il a été instauré, s'opposent à la proposition de l'instaurer dans d'autres cantons et au niveau fédéral soutiennent une proposition, la motion Ettlin, de faire prévaloir les salaires minimaux prévus par les conventions collectives ayant force obligatoire sur les salaires minimaux légaux. Or à Genève, ces mêmes partis soutiennent une modification légale autorisant les employeurs privés du secteur de la petite enfance à se soustraire au salaire minimum conventionnel pour pouvoir se caler sur le salaire minimum légal. Pourquoi ? Parce qu'il est plus bas : 4200 francs par mois au lieu de 5200 francs. Tout se résume à cet objectif : payer le moins possible les travailleuses (surtout) et les travailleurs du secteur de la petite enfance, des crèches et des garderies. Toute l'opération se résume donc à un moins-payant : là où le salaire minimum légal est plus bas que le salaire minimum conventionnel, on soutient le salaire minimum légal. Et partout ailleurs, là où le salaire minimum conventionnel est plus bas que le salaire minimum légal, on soutient le salaire minimum conventionnel. Une position contradictoire ? Non, un trivial calcul de boutiquier : l'important, c'est de payer le moins possible les personnes qu'on emploie. Alors si, pour pouvoir se soustraire à des conventions collectives coupables de protéger les droits du personnel on doit se référer à un salaire minimum légal dont on refuse le principe, allons-y gaiement... Dans "salaire minimum légal", le seul mot qui compte n'est-ce pas "minimum" ?

Après les crèches et les garderies, à qui le tour de s'ouvrir à  la sous-enchère salariale et sociale  ?

Donc, la droite parlementaire genevoise a adopté une modification de la loi sur l'accueil préscolaire afin d'autoriser les crèches privées non signataires d'une convention collective de travail à payer leur personnel (très majoritairement féminin) à des salaire plus bas que ceux des usages de la branche, et à s'en tenir à un salaire minimum légal qu'exècrent pourtant les partis qui défendent cette proposition.

En dégradant les conditions de salaire et de travail dans les crèches et jardins d'enfants privés n'ayant pas signé la convention collective, on ne créerait  évidemment aucune place supplémentaire d'accueil des enfants, on n'attirerait pas plus de personnel qualifié dans les crèches privées (puisqu'on le paierait plus mal) et on ne ferait pas baisser les tarifs de ces crèches, bien plus élevés (jusqu'au triple) que ceux des crèches subventionnées ou municipales (qui pratiquent des tarifs proportionnels au revenu des familles, et sont donc accessibles à toutes). En donnant  à une poignées de crèches privées l'autorisation de contourner les obligations salariales et sociales imposées à toutes les autres et de s'abstenir de respecter autre chose que le salaire minimum (mais en ne le respectant que parce qu'elles ne peuvent pas faire autrement, et il ne faudrait pas les pousser beaucoup pour qu'elles réclament ensuite de pouvoir aussi s'en abstraire), ce ne sont pas seulement ces conditions de salaire et de travail qui seront dégradées, mais aussi celles de l'accueil des enfants. 

Même le Tribunal fédéral, qu'on ne sache pas être un soviet anarcho-syndicaliste, en convient dans un arrêt déboutant l'une des crèches qui refusent de se plier aux usages conventionnels :  la « liberté économique »  ne saurait, dit le TF, justifier des pratiques de sous-enchère salariale,  demander le respect d’usages établis sur la base d’établissements subventionnés ne constitue pas une distorsion de concurrence, ni une inégalité de traitement ou une violation du principe de neutralité de l’état en matière de concurrence, et il y a un intérêt public à garantir au personnel de la petite enfance un salaire supérieur au salaire minimum légal, afin d'éviter la sous-en chère salariale.  Et cela ne vaut pas seulement pour le secteur de la petite enfance, mais aussi pour la trentaine de secteurs respectant des conditions de salaire, de travail et de prestations sociales en usage, supérieures aux minima légaux. Après les crèches et les garderies, auxquels de ces secteurs donnera-t-on l'autorisation de s'ouvrir à  la sous-enchère salariales et sociale si le peuple la donne à la poignée de crèches privées qui en rêvent ?


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