Débat et vote sur l'Initiative populaire pour la biodiversité : Confrontation de caricatures
Dimanche, la Suisse aura voté sur l'initiative populaire pour la biodiversité (hier, Tamedia a voté sur celle de la presse, et a voté contre -on y reviendra). Et le débat a tourné comme on pouvait le craindre à la confrontation de deux caricature, que résumait hier dans "Le Courrier" la secrétaire d'Uniterre, Vanessa Renfer : "le méchant paysan pollueur et l'ignare écolo bobo". A cette confrontation, on s'attend à ce que s'ajoute, dans les urnes, celle des villes et des campagnes, les premières acceptant peut-être l'initiative que les secondes refuseront certainement. Qu'est-ce que cela dira de l'enjeu du vote, et, surtout, de la réalité des menaces pesant sur la biodiversité ? pas grand'chose. Et ça ne dira pas non plus grand'chose de la réalité à laquelle les paysans doivent se colleter, celle d'un marché qui les rémunère mal, de la concurrences d'importations produites à bas coûts salariaux et à hauts dégâts environnementaux, et de la captation de la défense apparente de leurs intérêts par un syndicat, ou plutôt une corporation, qui investit plusieurs millions dans la campagne contre l'initiative sur la biodiversité mais ne daigne pas soutenir la campagne d'Uniterre pour des prix équitables versés aui paysans...
Tout le monde en veut, de la biodiversité. En
consommant la production qui la fait disparaître.
Au fond, l'initiative populaire pour la
biodiversité est sans effet, si elle n'est pas sans objet.
Qu'elle soit acceptée ou refusée ne changera pas grand'chose,
voire rien, aux politiques et aux pratiques fédérales
-l'initiative est constitutionnelle, elle pose un principe, il
lui faut une loi pour qu'elle soit appliquée, et c'est le
parlement, dominé par les adversaires de l'initiative, qui devra
la produire, cette loi -gageons qu'il prendra tout son temps
pour accoucher d'un campagnol. De plus, c'est aux cantons que
reviendra la tâche de l'appliquer -et de faire ce qu'ils font
déjà, même s'ils devront le faire mieux et en faire plus. Le
Conseil fédéral, lui, avait envisagé un contre-projet indirect
-un projet de loi étendant les surfaces protégées, et une
commission parlementaire proposait des "aires de biodiversité"
-les Chambres fédérales ont saboté la démarche. Et creusé,
intentionnellement, le fossé entre écologistes et agriculteurs.
L'enjeu, portant, est considérable : Plus de 40 % des espèces d'arbres européens sont menacées de raréfaction, voire d'extinction, à cause du réchauffement climatique, de maladies, de l'urbanisation, de l'appauvrissement des écosystèmes. Le frêne est atteint de chalarose (générée par un champignon), le marronnier est attaqué par un papillon, l'épicéa est attaqué par le bostryche, l'orme est atteint de graphiose, provoquée par un champignon et un insecte... et le réchauffement climatique n'arrange évidemment pas les choses, qui menace les espèces les plus fragiles à une chaleur croissante, comme le laurier du Portugal, et favorise la montée d'espèces méditerranéennes, comme le chêne vert, vers le centre de l'Europe, au détriment d'espèces endogènes, comme le chêne pédonculé. L'épicéa est menacé de disparition sur le plateau. Il ne s'agit pas de déforestation (les surfaces boisées augmentent en Europe depuis deux siècles), mais d’appauvrissement.
Nous, humains, formons une espèce assez
extraordinaire, capable de s'adapter à presque tous les milieux
naturels possibles, des plus froids aux plus chauds, des plus
humides aux plus secs, et de s'installer pour un temps même dans
des milieux où elle ne peut (encore) s'adapter : polaires,
subaquatiques, spatiaux... L'espèce humaine est présente sur
tous les continents et toutes les îles, et dans la plupart des
cas depuis plus de 100'000 ans. Mais cette espèce, mobile,
inventive, est aussi conquérante et prédatrice. Modifiant les
milieux où elle s'installe, elle finit généralement par les
dégrader, et parfois les détruire, et détruire une partie de la
vie qu'ils abritaient et s'y était adaptée. Sans doute ne
détruira-t-elle ni la planète, ni la vie sur la planète, mais
elle est capable de se détruire elle-même, après avoir détruit
des milliers d'autres espèces et son propre cadre de vie.
Certes, qu'elle en soit capable ne signifie pas pour autant
qu'elle le fera -du moins aura-t-elle à ce point modifié son
environnement et le vivant depuis le néolithique que leur forme
sauvage a quasiment disparu, et que l'espèce humaine est capable
de produire, en modifiant les organismes vivants, des espèces
nouvelles dans le temps même où elle réduit la biodiversité.
Aujourd'hui, il n'y a plus de retour naturel possible : les
derniers milieux sauvages ne le sont encore que parce que les
hommes ont décidé de les maintenir tels -ou à peu près. Ne pas
le faire, ou ne pas le faire assez, sera infiniment plus coûteux
que le faire. Plus coûteux financièrement, mais surtout plus
coûteux socialement et environnementalement, et biologiquement.
Dimanche, le citoyen, la citoyenne, se seront
prononcés. Sans doute majoritairement contre l'initiative. Mais
aucune de celle, aucun de ceux qui auront dit "non" à un texte
ne disent "non" à la biodiversité. Tout le monde en veut, de la
biodiversité. Tout le monde pleure sur les espèces disparues ou
menacées.
Avant d'aller consommer ce dont la production les fait disparaître.
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