Intelligence artificielle et connerie naturelle

 

Le silicium et les neurones

Le Prix Nobel de physique 2024 n'a pas été décerné à des physiciens mais à des pionniers de l'"Intelligence artificielle". Les puces des ordinateurs valent-elles désormais mieux que les neurones des scientifiques ? Selon une étude commandée par Microsoft (ce qui devrait d'ailleurs nous la faire tenir en suspicion) à des chercheurs de l'Université ricaine Carnegie-Mellon, l'"intelligence artificielle" peut nous rendre idiot à force de faire à la place de nos neurones ce que nos neurones savent faire. Du coup, à force de ne plus être sollicités pour le faire, ils finissent par ne plus être capables de le faire. C'est comme marcher : on a des jambes pour, mais si on passe sa journée au pieu en faisant marcher les autres à notre place, nos jambes ont de la peine à faire leur boulot de jambes. Plus l'IA se perfectionne, plus ce qu'elle produit satisfait ceux qui l'utilisent, et moins leurs neurones savent faire leur boulot de neurones. Sans parler de l'effacement de l'esprit critique. "Le vrai problème de l'intelligence artificielle, c'est la connerie naturelle", soupire Gérard Biard, dans "Charlie Hebdo" (du 19 février).

Une "intelligence artificielle" plus imbécile que l'imbécilité naturelle

L'Intelligence artificielle ne ressent rien, ne comprend rien, ne critique rien, n'invente rien, ne sait pas distinguer le vrai du faux, n'a aucun humour, aucune imagination, ne sait pas distinguer le premier et le second degré... En quoi, alors, est-elle une intelligence ? Et comment faire pour apprendre, ou réapprendre, à faire fonctionner notre intelligence naturelle sans recours à l'intelligence artificielle ? On a précisément posé la question à l'IA -à la chinoise ("Deep Seek"), en l'occurrence On aurait pu en choisir une autre, mais bon, on est parti du principe qu'elles se valent toutes.  Et Deep Seek nous a répondu ça :

"Lecture et apprentissage continu : Cultivez la curiosité en lisant des livres, des articles et en explorant de nouveaux sujets.
Réflexion critique : Prenez le temps d'analyser les informations, de poser des questions et de remettre en cause vos propres idées.
Pratique et expérience : Appliquez vos connaissances dans des situations réelles pour renforcer vos compétences.
Échanges humains : Discutez avec des personnes ayant des perspectives différentes pour élargir votre compréhension.
Créativité : Exercez votre imagination à travers l'art, l'écriture ou la résolution de problèmes.
Mémoire et concentration : Utilisez des techniques comme la méditation ou des jeux mentaux pour améliorer ces capacités.
Auto-évaluation : Identifiez vos forces et vos faiblesses pour progresser de manière ciblée.
En somme, l'intelligence naturelle se nourrit de curiosité, de pratique et d'interactions humaines"...

Autrement dit, tout ce dont l'IA est incapable de se nourrir.

Bon, comme c'est une IA chinoise que nous avons interrogée, elle n'a pas évoqué la nécessité de l'esprit critique, mais on s'autorisera à l'ajouter à ses recommandations. Ce sera la contribution de notre intelligence naturelle (ou de ce qu'il en reste) à la production de l’algorithme de Deep Seek. Il en faut bien, une contribution de ce genre, à partir du moment où on a demandé à l'IA comment faire pour se passer de l'IA... Ce qui est un peu comme demander à Big Brother comment faire pour supprimer Big Brother, mais ce faisant, on n'a pas agi autrement que d'autres : la plate-forme de streaming musical Dreezer utilise l'IA pour supprimer les morceaux générés par l'IA, l'Institut national (français) de l'audiovisuel (INA) utilise l'IA pour détecter les "fakes" générés par l'IA en utilisant les propres archives de l'INA...

Nous avons désormais le choix entre notre imbécilité naturelle, qui n'est après tout qu'une forme réduite d'intelligence mais nous est au moins naturelle et n'a besoin que d'elle-même , et une intelligence artificielle qui n'est que le produit artificiel de notre imbécillité naturelle...  Ce n'est pas nous, si imparfaite que soit notre intelligence, qui avons besoin de l'IA, c'est l'IA qui a besoin de nous et de nos imperfections, de microprocesseurs, de centres de données et d'une consommation gargantuesque d'énergie. 

En fait, l'Intelligence artificielle est bien plus imbécile que l'imbécilité naturelle : elle n'est que du binaire, des algorithmes, une suite de 0 et de 1. Pas une intelligence, mais une capacité d'accumuler les produits de l'intelligence (ou de la connerie) naturelle. De l'archivage et du tri mécaniques. Pas une once d'intelligence, mais des tonnes de lieux communs. 

A l'issue du "sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle" qui s'est tenu à Paris début février, 61 pays ont adopté une déclaration commune en faveur d'une IA "ouverte, inclusive et éthique". Elle a été rédigée par quelle IA, cette déclaration ? Sans doute la chinoise, vu que les USA ne l'ont pas signée....