Glissade sur le Parquet genevois : la droite zappe Zappelli

On ne devrait pas, mais on se le permettra tout de même, ce léger ricanement saluant la démission, hier, du procureur général de la République de Genève, l'ineffable Zappelli. Réélu face au socialiste Paychère, avec comme programme « contre les gros délinquants comme contre les petits délinquants », comme slogan « Zappelli fait appliquer la loi pour une justice forte »... et comme fin de parcours cette piteuse démission (pardon : cette «courageuse anticipation de fin de mandat»...) accompagnée d'éloges contraints de ceux qui l'ont poussé dehors, les uns n'en tenant plus d'attendre de prendre sa place, et les autres ne supportant plus son active contribution au plombage politique de la droite genevoise. Début octobre, Zappelli assurait encore n'avoir « aucune intention de quitter le navire ». Il explique aujourd'hui sa démission par le « blocage » au sein de la Justice genevoise et son parti assure l'avoir soutenu jusqu'au bout. Sans doute : comme la corde soutient le pendu, ou comme Exit accompagne ses membres. Car c'est bien la droite qui a zappé Zappelli...

Après l'Auguste, le clown blanc ?

« Depuis plus de 15 ans, j'ai manifesté mon profond attachement à l'institution judiciaire et, depuis mon élection en 2002, je me suis totalement dévoué à ma mission de Procureur général. Dans cet esprit, constatant le blocage actuel et afin d'assurer le meilleur fonctionnement possible du Ministère public, j'ai décidé d'anticiper la fin de mon mandat qui cour jusqu'au 31 mai 2014. Par respect des électeurs qui m'ont élu en 2002 et réélu en 2008, je continuerai à exercer mes fonctions jusqu'au 31 mars 2012, notamment afin de faciliter la transition vers mon successeur » : c'est du Daniel Zappelli dans le texte. Lâché par tous ceux qui le soutenaient, ou feignaient de le soutenir, ou étaient supposés le soutenir, de son parti (le PLR, mais on n'aura garde d'oublier que, venu du parti radical, le Procureur général de Genève s'est retrouvé confronté à une puissante camarilla d'avocats libéraux) à ses plus proches collaborateurs (les quatre « premiers procureurs » avaient démissionné en bloc), Zavatta quittera donc ses fonctions le 31 mars, avec deux ans d'avance. Et le soulagement est général : à gauche, bien sûr, où il est explicite (la démission de Zappelli, écrivent les Verts, confirme son « échec et son incapacité à gérer le ministère public »), mais à droite, aussi, où depuis des semaines on attend que le Procureur général laisse la place à qui rêve de la prendre. Car pour les deux ans à venir, les jeux sont faits : ce n'est pas le peuple qui élira le successeur de Zappelli, mais le Grand Conseil. Où sévit une très large majorité de droite. Autant dire qu'un candidat de gauche, devant cette chambre introuvable, n'a guère de chance -sauf à utiliser le moment de la désignation d'un successeur de droite à un procureur de droite pour lancer la campagne de l'élection populaire, dans deux ans, d'un procureur de gauche. La désignation de Zappelli comme candidat de la droite à la succession du socialiste Bernard Bertossa, en 2002, tenait à la fois de l'erreur de casting et de la nécessité revancharde. En neuf ans d'un mandat où la présomption ne le disputait qu'à l'incompétence (c'est l'erreur de casting), Zappelli aura tout de même fait ce que la droite attendait de lui (c'est la nécessité revancharde)m : rompre avec la « ligne Bertossa » d'affrontement au crime organisé, aux nouvelles mafias et aux réseaux de blanchiment d'argent, et y substituer une priorité qui fasse mieux l'affaire de la Genève des affaires : l'épuration sociale et culturelle, la lutte contre les squats, et le discours (bien plus que la pratique) de lutte contre la petite délinquance. Contre les squats, Zavatta aura fait merveille. Contre la petite délinquance, il aura fait des discours. Creux, et sans effets, mais qui l'auront fait réélire en 2008. Trois ans ont passé avant qu'« on » se décide à pousser le Procureur vers la sortie : le temps de s'apercevoir de la vacuité du personnage, et de couvrir ses liens avec les réseaux financiers qui abhorraient son prédécesseur. Dans quelques semaines, les caciques du comice corporatiste (la « commission interpartis ») qui décide qui va peupler l'appareil judiciaire genevois, lui aura trouvé un successeur. Un peu plus présentable, mais pas plus dangereux pour la Genève financière et sa clientèle. Un Procureur sur mesure. Un genre d'avocat d'affaire spécialiste de la chasse aux mendiants, aux bonneteurs et aux voleurs de scooters. Un clown blanc après l'Auguste, en somme.

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