Politique suisse d'asile : L'impossible cohérence


    

Pendant que l'UDC balance à intervalles réguliers des propositions de restriction du droit d'asile,  toutes frappées au coin de la xénophobie la plus crasse, le Conseil fédéral, et particulièrement la Conseillère fédérale en charge du dossier, Simonetta Sommaruga, tente (exercice qui lui devient rituel, puisqu'elle s'y livre également à propos de l'immigration européenne) de concilier l'inconciliable : la défense du droit d'asile et l'accélération des procédures d'examen des requêtes, des décisions et, le cas échéant, d'exécution des décisions négatives -c'est-à-dire de rétention puis d'expulsion- . « Des procédures longues ne sont pas seulement inefficaces mais aussi chères et surtout inhumaines », plaide Simonette. Gageons que le « aussi chères » est plutôt destiné à l'UDC et à ses idiots utiles du PLR et du PDC, et que le « surtout inhumaines » est lancé en direction du PS, des Verts et des défenseurs du droit d'asile : parler en une seule phrase aux xénophobes et aux solidaires est un art difficile, que la Conseillère fédérale commence certes à maîtriser, au prix, sur le fond, d'une évidente incohérence, Mais qui se préoccupe encore de cohérence dans le dossier de l'asile ?

"La tradition humanitaire de la Suisse n'est pas une banalité". Juste une invocation rituelle, alors ?


ubitement, après avoir annoncé qu'elle étudiait le lancement d'une initiative populaire demandant que seuls les réfugiés arrivant par avion puissent obtenir l'asile en Suisse,  l'UDC s'est mise à plaider pour l'accueil de réfugiés supplémentaires. Mais pas n'importe lesquels,  on ne la refait pas, l'UDC : les réfugiés dont elle propose que la Suisse les accueille en plus grand nombre, ce sont des réfugiés chrétiens. « En tant que pays chrétien, nous devons privilégier l'accueil des candidats chrétiens dont la vie est menacée », selon le Conseiller national Ulrich von Siebenthal. Et les autres ? Les pas chrétiens? Les Yazidis, par exemple ? Peuvent crever, les Yazidis ?  il faut « laisser entrer prioritairement des réfugiés avec qui nous avons des racines et des valeurs communes » prêche le secrétaire général de l'UDC vaudoise...  Des réfugiés UDC uranais,  ce serait parfait.. Même les églises chrétiennes de Suisse considèrent qu'établir ce type de priorités religieuses pour le droit à l'asile serait « un système pervers intolérable » contraire à la «  tradition humanitaire de notre pays ». Bisounours, va...

Reçue par le président de la Cour européenne des droits de l'Homme, la Conseillère fédérale (et vice-présidente de la Confédération) Simonetta Sommaruga lui a assuré que la Convention dont la Cour assure le respect était devenue «partie intégrante de l'ordre juridique suisse». Certes, mais des initiatives udécistes (ou soutenues par l'UDC) contraires aux dispositions de la Convention sont, elles aussi, devenues « parties intégrantes de l'ordre juridique suisse » dès lors qu'elles ont été acceptées par la majorité du peuple et des cantons... Et s'agissant de la politique d'asile, comme de la politique d'immigration, le chantier des « réformes » témoigne de l'impossibilité de concilier l'inconciliable, l'humeur xénophobe de l'opinion publique, la lâcheté de la majorité du Parlement fédéral face à cette xénophobie et ses boutefeux udécistes (et, localement, leghistes ou èmecégistes), et l'impératif du respect du droit international.

La réforme de la politique d'asile proposée par le Conseil fédéral consiste en une accélération des procédures et une réduction des délais de recours contre les décisions, au risque, paradoxalement, de multiplier les recours destinés à permettre aux requérants déboutés de «gagner du temps». Parallèlement à cette réduction des garanties données aux requérants que leur dossier sera examiné avec attention, et qu'ils auront un délai suffisant pour faire recours, la réforme propose de renforcer leur assistance juridique : cette proposition, destinée à rassurer la gauche, est déjà combattue par la droite, si bien (la droite étant majoritaire au parlement -et dans l'électorat...) qu'il y a de forts risques que de toutes les propositions faites par le gouvernement ne survivent, au bout des débats, que celles qui restreignent les droits et dégradent les conditions d'accueil des requérants d'asile, à l'exemple des «mesures d'urgence» acceptées l'année dernière, à trois contre un, par le peuple des bergers, qui devaient s'appliquer pendant trois ans, et qui s'appliqueront jusqu'en 2019, avec à la clef l'impossibilité de déposer une demande d'asile dans une ambassade et le rejet de la désertion comme motif d'asile.

Simonetta Sommaruga affirmait en août que« la tradition humanitaire fait partie de notre identité. On doit la défendre et la mettre en pratique. Ce n'est pas une banalité ». Une banalité, non. Mais une invocation rituelle. Parce que la banalité, la réalité, en Suisse (et ailleurs), aujourd'hui, ce n'est pas la défense du droit d'asile -c'est son mépris, sa restriction, sa dénaturation bureaucratique.





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