Traversées routières de la rade ou du lac : Le tunnel UDC n'enfumera plus le pont PLR


Avec deux tiers des voix exprimées contre leur initiative, l'UDC, le MCG et le TCS se sont bien pris une baffe assez sonore, et assez méritée, tant leur campagne frisait, et parfois défonçait, le mur du ridicule. Mais on en est presque à la regretter, cette lourde défaite :  L'initiative UDC pour une traversée tunnelière de la rade ne se serait sans doute jamais concrétisée, mais plus profondément que le tunnel qu'elle proposait, c'est le projet du PLR, du PDC et du gouvernement d'une traversée pontonnière du Petit Lac qu'elle aurait englouti.  C'est donc contre ce projet qu'il va falloir commencer à s'organiser, puisque la droite fait mine de considérer le rejet du tunnel comme un soutien au pont, alors que les deux furent naguère refusés en votation populaire.  Amnésie, quand tu nous tient...

Un mode de transport dont la royauté date du milieu du XXe siècle, et qu'il nous tarde d'abolir : la bagnole

 Dimanche dernier, c'était, dans le calendrier républicain, le jour des carottes. Pour la traversée de la rade en  tunnel, elles sont cuites. Pour celles du pont sur le Petit Lac, en revanche, il convient de commencer à faire chauffer la casserole. A tout petit feu, parce qu'on en a au moins pour vingt ans avant d'en voir le premier pilier ou le premier hauban, ce qui ne change rien à l'ontologique ânerie consistant à proposer un pont (ou même un tunnel) d'estuaire océanique ou de détroit maritime sur le bout d'un lac préalpin. La droite, cette fois unie (puisque l'UDC et le MCG sont partisans de n'importe quelle traversée routière de la rade ou du Petit Lac, et donc de celle proposée par le PLR et le PDC), ne va pas lâcher le morceau de béton (et le Conseil d'Etat la soutient dans ce fétichisme) : le refus de l'initiative UDC la soulage, mais le PLR et le PDC ont lancé quelques jours avant le vote une initiative populaire pour une traversée du Petit Lac,  sans préciser si elle devrait se faire en tunnel ou en pont, mais dont on peut gager que la concrétisation serait celle d'un pont. Serait-elle celle d'un tunnel que cela ne changerait d'ailleurs rien.

Le projet de traversée de la rade expédié aux archives, reste donc celui d'une traversée du Petit Lac. Un projet trois fois plus coûteux (plus de trois milliards) que celui qui vient d'être refusé, mais qui souffre des mêmes maux : l'absence de financement garanti (la Confédération a déjà refusé de payer, le partenariat public-privé est illusoire, le péage incertain et le canton fauché) et l'inadéquation aux besoins prévisibles dans vingt ou trente ans (ou plus...). Car se contenter de créer de nouveaux axes routiers ne permet pas d'absorber un trafic supplémentaire, puisque ces nouveaux axes génèrent eux-mêmes du trafic supplémentaire, et que ce processus en forme de cercle vicieux est sans autre fin que celle de l'espace disponible. C'est un peu comme si on pensait perdre du bide en remplaçant sa ceinture par des bretelles. Et cela vaut pour le tunnel politiquement enterré aujourd'hui comme celui, ou le pont, qu'il faut dès aujourd'hui combattre, à moins de le repousser entre le château de Chillon et le Bouveret. Et pour le combattre, des alliés de circonstance pourraient nous tendre les bras :  plusieurs communes friquées de la rive gauche, Anières, Cologny, Corsier, Hermance, Jussy, Meinier, Vandoeuvres, ont accepté une traversée routière de la rade. Et c'est logique : c'est en ville (qui l'a refusée à près de 70 %) qu'elle aurait concentré ses nuisances. Gageons que lorsque sera leur sera soumis une traversée routière aux emprises voisines de leurs berges et de leurs prairies, elles sauront se mobiliser. Avec nous.

Il y a six siècles, Konrad Witz faisait marcher Jesus sur les eaux de la rade. Aujourd'hui, la droite veut faire rouler les bagnoles dessous ou dessus. ça doit être ça, la sécularisation : passer d'un miracle à un fantasme. Et en l’occurrence, nier quelques évidences : d'abord que ce n'est pas la traversée d'un bout de lac qui importe désormais à Genève pour assurer une réelle mobilité de la population de l'agglomération, mais le contournement du centre de cette agglomération, et le contournement du lac lui-même (il faut donc boucler le premier, et assurer le second). Ensuite, que dans une ville comme Genève, on se déplace mieux, plus vite et plus agréablement quand on ne s'enferme pas dans une bagnole. Enfin, que la proportion d'usagers de la voiture en zone urbaine diminue constamment depuis dix ans, et que le développement des alternatives au déplacement en bagnole (les transports publics, les pistes cyclables, les parcours piétons) va encore accélérer cette désaffection à l'égard d'un mode de transport dont la royauté date du milieu du XXe siècle, et qu'il nous tarde d'abolir définitivement.

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