Fraude, évasion, soustraction fiscales, blanchiment, soutien à Al Qaida...


  
Swissleaks, Rotaryleaks...

Les données identifiant plus de 106'000 clients des années 2006-2007 de la succursale genevoise de la banque britannique HSBC ont été rendues publiques, à partir de celles transmises par l'ex-employé de la banque Hervé Falciani. Elles concernent plus de 180 milliards d'euros, soustraits en cinq mois aux fiscs des pays d'origine des détenteurs des comptes. La banque HSBC, l'association suisse des banquiers, le groupement des banquiers privés, les ténors de la droite, le miniministre genevois des Finances jurent à l'unisson que tout cela, « c'est du passé », que la banque et ses soeurs ont « radicalement changé » depuis le temps où HSBC (et ses soeurs) dissimulaient sciemment l'argent de la fraude, de l'évasion et de la soustraction fiscale, du blanchiment de tous les trafics possibles et imaginables et du soutien à Al Qaïda. Et comme on croit toujours ce que les banques nous disent.... De toute façon, avec nos comptes exsangues à la Raffeisen ou à la Banque Alternative, on avait aucune chance de faire partie du Rotaryleaks dévoilé par Falciani : y'a que du beau monde, là-dedans... le ticket d'entrée était à un million...

"combien de milliards de dollars une banque doit-elle blanchir avant que l'on considère la possibilité de la fermer ?"


Qu'ont en commun David Bowie, le roi du Maroc Mohammed VI, l'oligarque poutinien Timchenko, la fille de l'ancien Premier ministre chinois Li Peng, le roi de Jordanie Abdallah II, le pilote de Formule 1 Alonso et le cousin de Bachar El Assad ? Ils figurent tous sur la « liste Falciani » des heureux détenteurs de comptes secrets à la banque HSBC de Genève, avec des trafiquants de drogue, des trafiquants de diamants provenant de pays en guerre civile (l'Angola, la Côte d'Ivoire, la Sierra Leone, le Liberia), des ministres et conseillers présidentiels corrompus et des financiers d'Al Qaida. Une banque sérieuse, HSBC, et de bon conseil : Quand des clients manifestaient l'intention d'aller se dénoncer au fisc de leur pays, la banque les en dissuadait et leur proposait de transformer leur compte secret en contrat d'assurance-vie enregistré à Singapour... et quand l'Union européenne a introduit l'impôt ESD, les démarcheurs HSBC Private Bank à l'étranger informaient leurs clients des moyens de se soustraire à cet impôt... A ce jour, la banque est sous enquête dans cinq pays (les Etats-Unis, la France, l'Espagne, la Belgique et l'Argentine) pour blanchiment de fraude fiscale et démarchage illégal de clients sur leur territoire... et a été condamnée à une amende de 1,9 milliard de dollars par la justice américaine pour avoir blanchi 881 millions de dollars des cartels mexicains et colombiens de la drogue. Une banque sérieuse, on vous dit.

Alors, maintenant, face à ce nouveau déballage de turpitudes bancaires, on nous fait le coup du « c'est de l'histoire ancienne », « maintenant on est clean ». Le Swissleaks ? «des exemples qui appartiennent au passé », promet l'Association suisse des banquiers, le souvenir d'une « époque révolue », assure le ministre genevois des Finances, Serge Dal Busco. Et maintenant qu'elle est propre comme un vreneli neuf, « notre place financière possède tous les atouts pour rester durablement en pointe au niveau mondial ». « Notre » place financière, vraiment ? HSBC, qui a réduit en huit ans sa base de clientèle de 70 %, les fonds qui lui sont confiés de 45 % et son personnel de moitié, assure qu'elle va rester à Genève. Que demander de plus ? De la transparence ? Le respect des lois ? Un chouïa d'éthique ? Non, ln plaisante : des banques comme HSBC (ou UBS, ou le Crédit Suisse) sont « too big ». Trop grosses non seulement pour que les caisses publiques ou les banques nationales ne viennent pas à leur secours quand elles risque se sombrer sous le poids de leurs propres conneries, mais aussi trop grosses pour qu'on leur demande réellement des comptes et que l'on puisse leur imposer, à elles et pas seulement à leurs clients, le respect des lois qu'on ne cesse d'exiger de la plèbe.

Après les révélations de Swissleaks, la Justice suisse a-t-elle l'intention d'ouvrir une enquête  (« C'est le moins que l'on puisse faire », estime la socialiste Micheline Calémy-Rey) ?  elle ne le fera pas (sauf s on l'y oblige) parce qu'elle dit manquer d'«éléments concrets susceptibles d'étayer les soupçons». Les données qui viennent d'être rendues publiques sur 106'000 clients ne suffisent pas ? Il en avait pourtant fallu bien moins pour poursuivre Falciani lui-même... Et l'Autorité de surveillance des marchés financiers, la Finma, ne peut-elle rien faire ? L'ancien procureur et conseiller aux Etats tessinois Dick Marty résume : «  La Finma est efficace quand il s'agit de tomber sur une caissière de banque (mais) quand il s'agit d'une tricherie énorme comme celle que révèle Swissleaks, on a l'impression qu'elle ne voit pas passer un éléphant ». Et si elle ne voulait pas le voir passer ? C'est gros, un éléphant. Too big to fail. Et ça a de grosses défenses. Et ça trompe énormément. Même quand l'Association suisse des banquiers barrit que « Tout le monde sait que la place financière suisse a réaligné ses pratiques depuis des années ». Circulez, y'a plus rien à voir ! et rien à répondre à l'innocente question posée par Eric Toussaint dans Le Courrier d'hier : « combien de milliards de dollars une banque doit-elle blanchir avant que l'on considère la possibilité de la fermer ? »

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