Vote genevois pour la "transformation de bureaux en logements" : Enfumage et coup de semonce

    

On ne s'attendait pas vraiment à la gagner, la votation sur la loi facilitant la transformation, sans contrôle de leurs loyers, de bureaux en logements. Mais on ne s'attendait pas non plus à la perdre avec un écart si important, en n'ayant rassemblé dans le camp du « non  » de 42% des votants (ce qui correspond néanmoins à peu près au poids de la gauche dans ce canton). On savait que, dans l'enfumage généralisé de l'enjeu opéré par la droite, et tout particulièrement par le MCG, il allait être  difficile de faire émerger l'explication des conséquences et des intentions réelles, de la « loi Zacharias ». Dont acte : pour la première fois depuis 1962, la gauche et les organisations de locataires et d'habitants perdent une votation dont l'enjeu est le socle légal de protection des locataires. La loi acceptée par le peuple dimanche n'aura certes quasiment aucun effet sur la crise du logement mais ce « coup pour rien » s'agissant de l'offre de logements correspondant aux besoins réels n'en est pas moins un coup de semonce : la droite et ses supplétifs MCG se préparent à une salve de propositions qu'il va falloir aussi combattre par référendum. En se mobilisant un peu mieux qu'on vient de le faire...

Après le vote, la vérité sort du puits de promesses

Les milieux immobiliers, les partis de droite et leur corps-franc (le MCG) le promettaient avant le vote : des centaines, des milliers même, de logements vont être offerts à toute la population par la reconversion de bureaux vacants. Une pluie de logements, promis, juré, croix de bois, croix de fer. C'était donc avant le vote. Et après ? Après, on nuance. On efface. On annule, On revient sur terre : ceux-là même qui étaient à deux doigts de promettre que leur loi allait à elle seule résoudre la crise du logement conviennent désormais qu'il n'y aura que quelques dizaines d'appartements mis sur le marché à des loyers accessibles à la majorité de la population : « c'est une avancée modeste qui va probablement créer quelques logements, qui ne seront ni bon marché ni de luxe, mais plutôt à destination de la classe moyenne supérieure », admet le PLR... La « classe moyenne supérieure », c'est-à-dire celle qui arrive déjà à se loger. Bref, la vérité sort du puits, mais après qu'on l'ait vidé pour arroser le bon peuple de promesses illusoires Les comités d'enfumage, le fric dépensé dans une des campagnes de votation les plus chères de l'histoire locale, ont fait leur oeuvre : même la Ville de Genève a donné une majorité (faible, mais une majorité tout de même : 51 %, malgré le refus de la majorité de ses arrondissements de gauche -le différentiel de participation avec les locaux de droite donnant finalement une majorité acceptante) à la proposition des promoteurs et des propriétaires.

Pour la gauche, les mouvements d'habitants, les milieux de défense des locataires (83 % de la population du canton...), le coup de semonce de dimanche doit avoir valeur pédagogique. Une pédagogie archaïque : celle du coup de pied au cul, puisqu'après le coup de semonce se prépare la salve : premier tir pour permettre le retour des congés-vente sous prétexte d'autoriser les locataires à acheter leur appartement si leur propriétaire le leur « propose ». Même s'il ne leur laisse pas le choix (achetez ou partez). Et c'est bien désormais tout la loi sur la démolitions, transformations et rénovations (LDTR), c'est-à-dire le coeur du dispositif de protection des locataires, acceptée en 1983 par 65 % des votes populaires, qui est en jeu.
L'enfumage autour de leurs propres projets par les milieux immobiliers et leurs supplétifs politiques, qui leur a si bien réussi pour faire passer la « loi Zacharias », a d'ailleurs repris, sitôt la loi acceptée : le luminescent président du MCG, Roger Golay, a assuré que son parti était toujours « attaché à la protection des locataires ». Comme la corde au cou du pendu ? L'auteur de la proposition acceptée dimanche, le député MCG Ronald Zacharias promet une « charte éthique » pour compenser l'absence de tout contrôle des loyers des bureaux transformés en appartements. C'est beau comme du Tariq Ramadan annonçant un programme féministe et laïque.  « Nous ne voulons pas détruire la LDTR mais seulement l'alléger », assure enfin la Chambre genevoise immobilière. L'alléger, oui. Jusqu'à l'impalpable, l'éthéré. Jusqu'à la vider de son contenu. La vaporiser.

Pour la première fois depuis des lustres, la droite a trouvé dans les urnes une majorité pour s'attaquer au dispositif de protection des locataires. Il paraît qu'on se souvient toujours de sa « première fois ». Souvenons-nous donc de ce dépucelage politique, puisqu'on s'y est bien fait baiser.


 

Commentaires

Articles les plus consultés