Réforme cantonale genevoise de l'imposition des entreprise : 30 Floréal, jour du NON et NON



Après des heures de débats, pour ne pas écrire de dialogue de sourds, le Grand Conseil genevois a accepté le 31 janvier, à une large majorité, la réforme cantonale de l'imposition des entreprises (et à une plus large majorité encore un contre-projet à l'initiative de la gauche pour un plafonnement des primes d'assurance-maladie). S'agissant de l'imposition des entreprises, le projet accepté (par la droite élargie et ce qui restait du groupe socialiste après qu'une bonne partie de ses membres aient quitté la salle des séances pour ne pas avoir à voter) prévoit un taux unique d'imposition de 13,99 % des bénéfices de toutes les entreprises, celles à "statut spécial" (des multinationales) voyant leur taux d'imposition augmenter alors que toutes les autres voient le leur baisser. Les pertes fiscales de l'exercice se montent, pour le canton, à 186 millions, et celles pour les communes à hauteur de 50 millions. On votera le 19 mai. Dans le calendrier républicain, c'est le 30 Floréal. jour de la houlette. Sous notre propre houlette, ce sera celui du NON aux deux réformes fiscales, la fédérale et la cantonale.

Les absents ont toujours tort

Pour permettre à l'Etat de supporter les pertes de ressources (186 millions pour le canton) qu'entraînera forcément la réforme fiscale, le "frein au déficit" sera levé pendant huit ans, l'imputation de l'impôt sur le bénéfice à l'impôt sur le capital sera plafonnée pendant cinq ans, l'impôt sur les dividendes et celui sur les holdings seront augmenté. Mais comme cela ne suffit pas à rendre possible un soutien au PS à la réforme fiscale, on reprend la recette fédérale (celle de la RFFA) : lui accoler une réforme sociale et la droite a accepté un contre-projet à l'initiative de la gauche (de toute la gauche, PS compris...) pour un plafonnement des primes d'assurance-maladie à 10 % du revenu déterminant a été adopté : il coûte, au million près, autant que la réforme devrait (selon des estimations forcément assez aléatoires) coûter à l'Etat (la première année), le principe proclamé étant que pour un franc de perte fiscale on accorde un franc supplémentaire de mesures sociales, cette dépense s'ajoutant donc à cette perte de ressources. Pour faire passer son projet de réforme de la fiscalité des entreprises, le Conseil d'Etat genevois propose donc de développer considérablement les subsides aux assurés ayant des difficultés à assumer le paiement de leurs primes : 186 millions y seront consacrés (la même somme que celle des pertes fiscales estimées dues à la réforme de l'imposition des entreprises) : le subside pour les plus bas revenus triple presque (il passe de 90 à 230 francs par prime) et 140'000 personnes recevront des subsides (contre 53'000 aujourd'hui). On avouera que c'est bon à prendre. Mais on ajoutera ipso facto que cela n'atténue en rien notre opposition à la réforme fiscale : elle coûtera toujours autant aux caisses publiques. Et ce sont surtout celles des communes, et d'entre elles les villes, que cette réforme fragilise : elles y perdront au moins 46 millions. La première année. Et sans doute plus les années suivantes.

Pour la gauche, il s'agit (ou devrait s'agir) aussi de faire renoncer le canton à d'autres "réformes" fiscales appauvrissant les collectivités publiques : la suppression de l'imposition sur le capital des entreprises, de la taxe professionnelle, de l'imposition au lieu de travail... et au plan fédéral, la suppression du droit de timbre, dont le coût serait de 2,3 milliards.

On votera donc, le 19 mai, à la fois sur la réforme fiscale fédérale, la réforme fiscale cantonale et sur l'initiative et le contre-projet concernant les primes d'assurance-maladie. Mais si on votera le même jour, on votera séparément sur chacun de ces objets (nul doute que la droite et le Conseil d'Etat auraient bien aimé ficeler un paquet fiscal et social du genre de la RFFA fédérale, qu'on aurait dû accepter ou refuser en bloc, mais le cadre légal cantonal rend fort heureusement un tel exercice impossible). Le soutien du PS à la réforme fiscale n'est donc pas définitivement acquis, puisqu'il doit être confirmé par une assemblée générale lorsqu'il s'agira de donner une recommandation de vote pour le scrutin du 19 mai). Et là, on dira NON aux réformes fiscales fédérale et cantonale, et OUI sans réserve à l'initiative (pour le contre-projet, un OUI sans remord suffira...). A Genève, un Comité unitaire cantonal a été constitué contre les deux projets fiscaux, fédéral et cantonal. Le Comité regroupe la Communauté genevoise d‘action syndicale (c'est-à-dire tous les syndicats genevois), ATTAC,  la Jeunesse socialiste, l'Association des jeunes engagés, solidaritéS, le Parti du travail et les Verts. Mais pas le PS : forcément, le comité est unitaire dans sa forme et dans son objectif : s'opposer aux deux réformes fiscales, la fédérale (la RFFA) et la cantonale. Or le PS ne s'oppose qu'à la première, même si la seconde lui ressemble comme une bouture à sa mauvaise herbe initiale. Les absents ont toujours tort. Mais ont parfois un peu de temps pour être, finalement, présents là où il convient de l'être.

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