Le Brexit à nouveau reporté de trois mois


Boris Pinocchio

Les antibrexiters déchantent : les députés aux Communes ont accepté d'entamer le processus d'examen de la loi de sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne. Ils n'ont certes pas encore accepté cette loi, ni l'accord avec l'Union Européenne, mais ils ont en quelque sorte ratifié le Brexit, ce qu'ils n'avaient encore jamais fait. Cependant, le Brexit ne se fera pas à la date prévue (laquelle a déjà été repoussée deux fois). Johnson ne cessait de proclamer que "le Royaume-Uni sortira de l'Union européenne au 31 octobre, coûte que coûte" ? Il n'en sortira (peut-être) que le 31 janvier. Et pas "coûte que coûte" : avec un accord.  Boris Johnson avait assuré qu'il préférait "crever dans un fossé" plutôt que de demander un nouveau report de la date du Brexit au-delà du 31 octobre ? Il a demandé ce report, l'a obtenu au 31 janvier 2020 et ne "crèvera" pas dans un fossé : il a beau mentir comme un arracheur de dents, il tient le couteau par le manche et est plutôt bien parti pour rester vivant et Premier ministre. On n'est pas dans Shakeapeare, on est dans Collodi, avec Boris Johnson dans le rôle de Pinocchio. Mais qui dans celui de Jiminy Cricket ?


Le Brexit : un  étouffoir du débat politique

Boris Johnson a obtenu des élections législatives le 12 décembre et, après que les Communes les lui aient dans un premier temps refusées, il a déposé un projet de loi pour les obtenir quand mnême, et le proijetr a été accepté par l'opposition. Le leader travailliste Jeremy Corbyn a toujours assuré qu'il voulait des élections anticipées, mais y a toujours mis une conditions : qu'un accord de sortie soit trouvé avec l'Union Européenne, et que cet accord ne péjore pas les droits des travailleurs britanniques. Pour les anti-brexiters, qui considèrent que lors du référendum la sortie de l'Europe n'a été acceptée que parce qu'une bonne partie des votants ne mesuraient pas les conséquences de leur vote, un deuxième référendum aurait du permettre de rectifier le premier -cette perspective, désormais, s'éloigne considérablement. Et le seul espoir des opposants au Brexit réside dans une victoire de l'opposition à des législatives anticipées. Un espoir fragile : Boris Johnson, et derrière lui les conservateurs, ont actuellement dix points d'avance sur les travaillistes dans les sondages. Ils n'obtiennent certes qu'un tiers des intentions de vote, mais dans le système électoral britannique (la majoritaire à un tour), c'est suffisant pour obtenir une majorité des sièges, à moins que l'opposition travailliste, l'opposition libérale, les Verts et les oppositions nationalistes écossaise, nord-irlandaise et galloise fassent bloc. Et elle en sont incapables.

Le débat au parlement britannique va encore prendre des semaines, sur le texte de l'accord de sortie de l'Union Européenne. L'opposition va déposer de nombreux amendements au projet de loi entérinant le Brexit, dont un demandant un deuxième référendum (sur le projet d'accord, cette fois) et un autre exigeant le maintien du Royaume-Uni dans une union douanière avec l'Union Européenne, ce à quoi Boris Johnson a toujours dit qu'il était totalement opposé -mais comme  il a aussi accoutumé de changer d'avis aussi souvent que cela lui paraît utile (à lui, pas au Royaume-Uni), même si cet amendement était adopté, il y survivrait politiquement, dès lors qu'il aurait la conviction qu'il pourrait se passer du soutien des "brexiters" les plus acharnés et des unionistes nord-irlandais. Au pire, la Grande-Bretagne se retrouverait dans la situation de la Suisse : hors de l'Union Européenne mais dans le marché européen. Avec les règles de ce marché telles qu'elles sont définies par l'Union Européenne. Une sorte de Brexit à moitié.

En attendant, en Grande-Bretagne, le Brexit submerge tout autre enjeu politique. Le système de santé, l'école, la sécurité, l'environnement, la fiscalité, l'emploi, les programmes politiques des partis ? nul ou presque ne s'en préoccupe. L'Angleterre se flatte d'avoir inventé le parlementarisme moderne, à défaut d'avoir inventé la démocratie. Se flattera-t-elle d'avoir inventé un étouffoir du débat politique ?

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