Biden et Harris élus, Trump et Pence battus, une bonne chose de faite ?
Evacuation pour Restauration
Comme d'habitude aux USA (et dans la quasi
totalité des démocratie électives), ce sont les media qui ont
annoncé le vainqueur de l'élection présidentielle américaine,
des jours, peut-être des semaines, avant que soient tombés, Etat
après Etat, les résultats définitifs et officiels. Entre
l'annonce médiatique et la confirmation officielle, le temps est
plus long aux Etats Unis qu'ailleurs, mais la première précède
toujours et partout la seconde : en France, on connaît le nom du
président élu à 20 heures, alors que le dépouillement n'a même
pas encore commencé... Il est vrai qu'en Chine le problème ne se
pose pas... Donc, avec (toujours selon les media) 75 millions de
votes populaires et au moins 290 "grands électeurs", Joe Biden
est président élu des Etats-Unis, contre Donald Trump (71
millions de votes populaires et 220 "grands électeurs"), alors
qu'il reste quatre Etats où le résultat est incertain.
L'élection annoncée du candidat démocrate et de sa colistière a
suscité des scènes de liesses dans les rues des grandes villes,
qui ont fait leur élection, pendant que le président sortant se
confinait dans son bunker politique et le déni de sa défaite.
Partons donc de l'hypothèse que Joe Biden sera effectivement le
46e Président des USA. Pour faire quoi ? lui-même l'a dit : pour
restaurer le "rêve américain", le prestige des USA, la
démocratie américaine, autoproclamée comme la plus grande du
monde. L'évacuation de Trump de la Maison-Blanche n'est donc pas
une révolution, mais une restauration. Même si, dans le sillage
de Joe Biden, l'élection de Kamala Harris, première femme
vice-présidente, est sans doute plus significative des
changements sociaux (et donc politiques) en cours aux USA : des
centaines de milliers d'électrices et d'électeurs ont
probablement voté pour Biden pour pouvoir voter pour elle... en
attendant peut-être de voter une fois encore pour elle en 2024
-mais à la présidence, cette fois...
Trump n'est plus président, mais ce qui l'avait fait président reste
"La démocratie, c'est compliqué.
Il faut quelquefois aussi un peu de patience", a soupiré Joe
Biden. "Un peu", seulement ? La démocratie élective, cela
implique de compter toutes les voix. Qu'elles s'expriment dans
un local de vote ou par correspondance (là d'où on parle, 90 %
des votes sont des votes par correspondance...). En exigeant
l'interruption du dépouillement des bulletins, c'est ce
principe du "chaque voix compte" que Trump piétinait, dans une
prestation télévisée si calamiteuse que même les media
républicains en ont été consternés, les media démocrates
n'ayant eu qu'à en remettre une petite couche "C'est
donc le président des Etats-Unis. C'est la personne la plus
puissante au monde, et tout ce que nous voyons, c'est une tortue
obèse retournée sur sa carapace qui s'agite sous le soleil
brûlant en comprenant que son heure est passée, et qui refuse de
l'admettre", commentait CNN (une chaîne honnie par les
trumpistes...), après une énième intervention de Trump
contestant sa défaite -d'autres chaînes de télé ont carrément
coupé le direct pendant cette intervention, considérant qu'elle
n'était que mensongère. Et même la chaîne préférée des
Républicains, Fox News, a donné Biden vainqueur, à la grande
fureur de Trump.
Joe Biden et Kamala Harris sont donc président et
vice-présidente élus des USA. Les félicitations internationales
ont plu sur eux dès leur élection annoncée. Les unes (celles de
Merkel, de Macron, de Trudeau, de von der Leyden, de Sommaruga)
étaient attendues, d'autres (celles de Boris Johnson ou de
Benjamin Nethanyahu) plus surprenantes (à l'heure où on écrit,
on n'a pas de nouvelles de Poutine et de Xi Jiping), mais après
tout, il faut bien prendre acte pour préserver les "bonnes
relations" avec les USA. Le plus intéressant dans ces messages
de bienvenue au club est leur tonalité commune : on va pouvoir
reprendre nos bonnes relations d'avant, ou les garder. "Nos
excellentes relations", pour Simonetta Sommaruga. Notre "amitié
transatlantique" pour Merkel. On va à nouveau pouvoir "agir
ensemble", pour Macron. "Relever ensemble les plus grands défis
mondiaux" pour Trudeau. "Coopérer étroitement" pour Johnson.
"intensifier (notre) coopération" pour von der Leyden. C'est
bien de restauration dont il s'agit. De restauration de
l'atlantisme. Et d'effacement des foucades de Trump : les
Etats-Unis vont revenir dans l'accord de Paris et à l'OMS... et
tenter de reprendre les places laissées, dans les relations
internationales mais aussi sur le terrain, à la Russie, la Chine
et quelques acteurs secondaire comme la Turquie ou l'Iran. Là
encore, on est dans la restauration...
Mais il n'y a évidemment pas que
des rapports internationaux à restaurer, il y a aussi des
rapports nationaux. Parce que là encore, il s'agit de
restauration : celle de la prospérité économique, celle de
l'"unité nationale"... Biden
est entré en campagne avec pour programme de rendre son
"âme" à l'Amérique, quand Sanders et Warren promettaient
une "révolution politique" et de "grands changements
structurels". Leur ralliement à Biden s'est fait en échange d'un
certain "gauchissement" du programme du très centriste
vice-président d'Obama, mais même après cela, il n'y avait pas,
entre Biden et Trump, d'opposition radicale en matière de
politique économique., seulement des inflexions. Certes, le
Démocrate est plus keynésien et le Républicain plus
protectionniste, mais on est bien plus dans la nuance que dans
l'alternative (Trump veut investir 500 milliards, Biden veut
investir quatre fois plus) -sauf s'agissant de la politique
fiscale : Trump voulait continuer à baisser les impôts sur les
entreprises, Biden les rétablir à un peu moins de ce qu'ils
étaient avant que Trump, déjà, les ait réduits.
Trump battu, il ne faudrait pas en déduire qu'il ne fut qu'un accident que la Restauration démocrate effacerait, sinon des mémoires, du moins de la réalité. Comme Biden, Trump a accru son électorat entre 2016 et 2020. Et ceux qui ont voté pour lui la semaine dernière ne vont disparaître pendant les quatre ans du mandat de Biden (le seul que Biden exercera). Trump lui-même sera sans doute toujours là. Pour se représenter, pousser son fils ou un, ou une, de ses fidèles. Il n'est plus président, mais ce qui l'avait fait président reste : ce que le chroniqueur du "Monde" résume en le désespoir de l'Amérique blanche déclassée. Le Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz constate qu'"en bien des endroits, les Etats-Unis ressemblent déjà à un pays du tiers-monde. L'espérance de vie y a chuté". En effet, l'espérance de vie moyenne aux USA a commencé à baisser en 2014, en particulier dans la population que la nomenclature étasunienne définit comme les "Blancs non hispaniques". Le président d'alors s'appelait Barack Obama. Et le vice-président, Joe Biden...
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