Répartition des tâches et des pouvoirs à Genève : "ça ne se présente pas bien"
Dans son "programme de législature 2020-2025", le Conseil administratif de la Ville de Genève se donne pour objectif, ambitieux, d'obtenir "une plus grande autonomie légale de la Ville et un accroissement de ces compétences vis-à-vis du canton", accroissement qu'elle ne pourra d'ailleurs obtenir (et la Municipalité en est parfaitement consciente) que si toutes les autres communes du canton l'obtiennent aussi, la Ville n'ayant pas d'autre statut constitutionnel que celui d'une commune égale aux autres -même si elle est la commune centre, abrite 40 % de la population du canton, qui cultive à son égard méfiance aussi vieille que lui, au point d'avoir tenté de l'abolir purement et simplement en 1815 -elle sera rétablie par une révolution trente ans plus tard, une bonne partie de la droite cantonale rêvant toujours d'une ré-abolition. Les négociations avec le canton sur la répartition des tâches entre lui et les communes, dont la Ville "ce sera la bataille de la législature" municipale (2020-2025), prévient le Maire de Genève, Sami Kanaan. Qui ajoute : "cela ne se présente pas bien. La réforme est en train de se faire sur le dos des villes avec une menace sur les prestations. Pour la Ville de Genève, les reports de charge pourraient représenter des dizaines de millions de francs", qui manqueront au financement des actions sociales, de la politique culturelle, de l'aménagement du cadre de vie. Si le canton ne revient pas sur ses envies de puiser dans les ressources des communes sans leur donner de compétences supplémentaires, un référendum est pratiquement inévitable. Ce ne sera pas un référendum de la Ville, mais des communes. Parce que la répartition des tâches, si elle n'est pas seulement un transfert des charges, est aussi un partage des pouvoirs.
Bien plus qu'un enjeu technocratique : une question de démocratie.
      Les communes (y compris celles de
          droite) ont signifié au gouvernement cantonal leur refus de
          transferts de charges sans transferts de compétences : "si une
          discussion doit avoir lieu, elle doit inclure la question des
          compétences".  Sans reprise de compétences, une reprise de
            tâches n'est en effet qu'un transfert de charges...
          Le canton pourrait certes tenter un passage en force -un
          racket, en bon français- en déposant un projet de loi au Grand
          Conseil. Mais les communes ont prévenu : s'il procède ainsi et
          qu'un tel texte est accepté, elles lanceront elles-mèmes un
          référendum... Réponse de Thierry Apothéloz, qui avait repris
          ce dossier (avec la surveillance des communes) des mains un
          peu empêtrées de Pierre Maudet : on va "entamer une réflexion
          de fond sur la péréquation intercommunales" pour doter Genève
          de "vraies politiques de proximité". Bonne idée, la "réflexion
          de fond", ça nous changera des négociations de marchands de
          tapis. Parce que, qui peut le mieux mener de "vraies
          politiques de proximité" à quoi appelle le Conseiller d'Etat,
          sinon les communes ? A condition, évidemment, qu'on leur en
          accorde les compétences -celles de les définir, celles de les
          mener.
En fonction de
            quel principe établir une répartition acceptable des tâches
            entre le canton et les communes ? La subsidiarité
            (c'est-à-dire le principe selon lequel un niveau
            institutionnel n'a de compétences et de pouvoirs que celles
            et ceux que les niveaux "inférieurs" ne peuvent assumer) ?
            Admettons. Mais la subsidiarité, ce n'est ni une hiérarchie,
            ni un empilage, ni un puzzle : c'est un partage entre des
            acteurs complémentaires. Le principe de subsidiarité suppose
            qu'une collectivité publique n'ait de compétence que celles
            qu'il lui sont concédées par les collectivités publiques
            dont le territoire est inclus dans le sien. Ce n'est donc
            pas la commune qui est subsidiaire du canton, mais le canton
            qui devrait l'être de la commune. La constitution genevoise
            elle-même le proclame : "le canton assume les tâches qui
            excèdent la capacité des communes". Autrement dit : tout ce
            que les communes peuvent faire, seules ou ensemble, le
            canton n'a pas à le faire. Or qu'est-ce que les communes ne
            peuvent pas faire seules ou ensemble, et que seul le canton
            pourrait faire à leur place ? Rendre la justice, sans doute
            -on peut en effet difficilement envisager 45 Justices
            municipales à Genève, mais quoi d'autre ? En vérité, pas
            grand chose (surtout dans l'état où il est, politiquement et
            financièrement). 
          



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