Loi sur les mesures policières "antiterroristes" : Se tromper de cible, ou la cacher ?


Il ne reste plus que  ce mation pour dire "non" à la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme.  Le Conseil fédéral le promet : ni les militants d'extrême-gauche, ni les rebelles climatiques ne sont menacés. Mais rien dans la loi, et dans la définition du "terrorisme"qu'elle donne, n'offre la moindre garantie que cette promesse soit tenue, puisque
la plupart des mesures rendues possibles par la loi pourraient s'appliquer sans contrôle judiciaire, la police fédérale pouvant en décider seule. La Suisse avait déjà durci ses lois après les attentats djihadistes de Paris, ces durcissements suffisent. Leur efficacité ailleurs, là où des mesures semblables ont été prises, est même contestable: la France s'est dotée il y a cinq ans d'un dispositif policier du même type que celui que le gouvernement suisse propose, et ce dispositif n'a pas empêché les attentats suivant à Paris et à Nice... En Suisse, aujourd'hui, envisager, et à plus forte raison préparer un attentat est déjà criminel, passible d'arrestation, de condamnation, d'emprisonnement. En Suisse, aujourd'hui,on peut déjà être surveillé, filé, écouté, filmé, interpellé, interrogé, mis en garde-à-vue si on est suspecté de radicalisme violent. En suisse, demain, aucun "radicalisé" ne sera impressionné par des mesures du genre de celles sur quoi on se prononcera dimanche, sinon ceux dont le "radicalisme" n'est qu'une posture velléitaire. La loi soumise au vote n'est finalement dangereuse que pour celles et ceux dont le gouvernement assure qu'elle ne les vise pas... Mais est-ce elle qui se trompe de cible, ou lui qui cache sa cible réelle ?


Les seuls combats qu'on est sûr de perdre sont ceux qu'on renonce à mener.

Le texte qui nous est soumis au prétexte de la prévention du "terrorisme" a une généalogie, et elle n'est pas celle dont il se targue et qui serait celle du "terrorisme" : cette généalogie, c'est celle de plus d'un siècle de tentatives, le plus souvent sanctionnées par un échec dans les urnes, d'accroître, de renforcer, d'étendre la surveillance policière des marges sociales et politiques, et plus largement des classes dangereuses. De la "loi muselière" de 1903 qui voulait réprimer l'antimilitarisme à la "police mobile intercantonale" de 1970, puis à la "police fédérale de sécurité", que l'on voulait à Berne charger de réprimer les mouvements sociaux de contestation de l'ordre établi, en  passant par les lois Haeberlin de 1922 et de 1934, la première née du traumatisme de la Grève Générale de 1918, la seconde de la crainte de la montée du socialisme et du communisme, mais aussi du fascisme, l'histoire suisse récente est scandée par une succession de propositions se justifiant par les risques révolutionnaires (pour les premières) puis terroristes (pour les plus récentes). Presque toutes ont donc été repoussées par le peuple, grâce une une alliance paradoxale de la gauche et des fédéralistes de droite. Il faut bien avouer que cette alliance nous manque, aujourd'hui, pour que le rapport de forces nous soit favorable. Mais à l'improbable, nous nous sentons tenus : si ce n'est pas encore fait, allons voter contre la pseudo-loi "antiterroriste" que le gouvernement et le parlement ont été contraints de soumettre au peuple (par un référendum que nous avons soutenu), et faisons voter de même autour de nous.

Tout Etat, sans doute, est tendanciellement policier, dès lors qu'il se fonde sur la revendication du monopole de la violence légitime. Mais cette tendance peut être contrariée, freinée, contenue. Des mesures de contrainte s'appliquant sans contrôle judiciaire sont inacceptables. L'inversion de la présomption d'innocence en présomption de culpabilité est inacceptable. L'application à des enfants de douze ans de mesures policières déjà contestables quand on les applique à des adultes est inacceptable. Renoncer à combattre l'inacceptable, si minces que soient les chances de victoire, est inacceptable.

Les seuls combats qu'on est sûr de perdre sont ceux qu'on renonce à mener.


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