Rapport sur l'usage de la contrainte dans les Centres fédéraux d'asile


Une violence systématique ou systémique ?

L'ancien juge fédéral Niklaus Oberholzer a rendu son rapport sur l'usage de la contrainte dans les Centres fédéraux d'asile, après la publication de témoignages de vigiles privés employés dans ces centres, et faisant état d'une banalisation de la violence à l'encontre des requérants, de conditions de travail calamiteuses et d'un manque de formation du personnel. Même la Commission nationale de prévention de la torture avait dénoncé un usage trop fréquent, par le personnel de sécurité, de moyens de contrainte disproportionnés. Le rapport Oberholzer confirme des cas de telles réactions disproportionnées, et "peut-être même illicites", à des situations de conflit, mais considère qu'il n'y a pas "d'indice de violation systématique des droits des requérants d'asile ni d'une partialité générale de la part des collaborateurs des services de sécurité". Il n'en fait pas moins plusieurs recommandations : une meilleure formation des vigiles, la présence de collaborateurs du Secrétariat d'Etat aux migrations au sein des centres fédéraux d'asile, une définition plus claire des règles d'usage de mesures disciplinaires, une révision des bases légales portant sur l'usage de la contrainte et de mesures policières. Il y avait donc, sur tous ces thèmes, des problèmes graves à résoudre d'urgence, comme le relève l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) : "ce rapport démontre que l'externalisation de tâches de sécurité à des acteurs privés est problématique"; et l'OSAR demande la mise en place rapide d'un bureau indépendant de gestion des plaintes.  Solidarité sans frontières est plus rude dans sa réaction :"les cas de violence des centres fédéraux ne sont que révélateurs d'un phénomène plus large : le système d'asile suisse veut dissuader plutôt que protéger et tant que les centres d'asile seront conçus comme des lieux d'exclusion plutôt que d'accueil, la violence y sera toujours présente", quelles que soient les mesures prises, sur recommandation du rapport Obertholzer. Peut-être ne sont-elles pas "systématiques", mais sûrement sont-elles "systémiques", en ce sens qu'elles sont produites par un système : celui dont la Suisse s'est dotée pour confiner les requérants d'asile dans des centres les plus éloignés possible des villes.

Nous sommes de ceux qui ouvrent les portes, pas de ceux qui les ferment.

De la plèbe, aujourd’hui, qui est l’incarnation la plus pure, la plus évidente, sinon le migrant nous venant du bout du monde ? Et qu’est-il, ce migrant, pour les population des pays où il finit par débarquer, quand il ne s’est pas noyé en traversant la Méditerranée, sinon ce que chacun des habitants de nos pays craint de devenir à la défaveur de quelque crise profonde ? Chassés de chez eux par la misère, ou la guerre, ou l’oppression, ou la montée des eaux, ils ne réclament de nous que ce que tous nos discours proclament comme des droits, et que nos pratiques leur refusent : l’accueil, le droit à la dignité, à un toit, un travail, une éducation, une famille… Leur refuse-t-on ces droits pour une autre raison que celle que nous avons peur, non d’eux mais de ce que nous pourrions à leur image devenir, ou redevenir ?

Ainsi observe-t-on le retour jusqu'aux franges de la gauche du culte de la frontière, non comme délimitation symbolique de « nous » et des« autres », mais comme barrière bien réelle, bien massive, bien dissuasive contre ces« autres » en quoi nous refusons de nous voir. Que la fermeture des frontières européennes, et de chaque Etat européen, qu’il soit ou non-membre de l’Union Européenne, ait pour conséquence la mort de milliers de personnes en mer et l’entassement de dizaines de milliers d’autres dans des conditions inacceptables, est une évidence – mais la rappeler semble inaudible, y compris à quelque part de celles et ceux qui naguère faisaient leur le slogan « les frontières, on s’en fout ».La solidarité internationale en actes, ici et maintenant, ne peut se passer d’être traduite en une solidarité avec les migrants. C’est à contre-courant ? certes. Mais le sens du courant, c’est celui qui trimballe les poissons morts et qui aujourd’hui trimballe le fantasme de l’invasion migratoire. Un fantasme a toujours la vie dure. Et peut se cultiver. Celui-là, précisément, se cultive : ceux qui l’entretiennent y trouvent forcément intérêt. Mais ceux qui le laissent prospérer, quel intérêt peuvent-ils bien trouver à leur passivité, ou leur complicité ?

Nous, nous sommes de ceux qui ouvrent les portes, pas de ceux qui les ferment.
Nous sommes de ceux qui enjambent les barrières, pas de ceux qui les posent.
Nous sommes de ceux qui contournent les murs, pas de ceux qui les édifient.
Nous sommes d’une Cité, pas d’un camp retranché.
Nous sommes d’un pays, pas d’une tribu.

Commentaires

Articles les plus consultés