Fonds de tiroir

 Selon une enquête de l'ONG «Public Eye», Genève compterait en Suisse le plus grand nombre (après Zurich) de société «offshore » ou boîte-aux-lettres : plus de 13'500, soit le tiers des entreprises inscrites au Registre du commerce. On trouve des adresses qui sont celles de dizaines de sociétés n'employant qu'une ou deux personnes. Et on trouve des personnages (souvent des avocats) qui sont les administrateurs uniques de plus de 100, jusqu'à 167, de ces sociétés-bidon. Et à quoi elles servent, ces sociétés-bidon ? A échapper à l'impôt ailleurs qu'en Suisse, où l'«optimisation fiscale» n'est pas en soi illégale. Contrairement au blanchiment d'argent : ces sociétés-bidon apparaissent ainsi dans 44% des dénonciations émiuses par les banques, contraintes par la loi de les faire. Bon, on est la capitale du monde mondial, c'est normal qu'on soit aussi celle du milieu de la crapuler ie financière mondiale, non ? Comment ça, non ? bande de gauchistes !

On sait l'amour que la droite municipale genevoise en général, et le PLR en particulier, porte aux bons. Du temps où elle était majoritaire au Conseil municipal, elle avait imposé la remise des allocations de rentrée scolaire sous forme de bons plutôt que de versements, sous prétexte de soutenir les commerces genevois. Et cette semaine, elle a balancé une proposition de « bons de garde » des chtis nenfants, qui de toute évidence n'était faite que pour entraver la municipalisation progressive du secteur de la petite enfance, portée par la Conseillère administrative socia-liste Christina Kitsos. Parce qu'on ne pourrait financer à la fois cette municipalisation et l'offre de bons de garde pour un montant équivalant, comme elle le propose, au coût d'une place de crèche (soit 30'000 francs par an), ce qui pourrait coûter des dizaines de millions à la Ville (alors que les lumineux auteurs de cette proposition ne cessent de clamer que la réduction des dépenses municipales devrait être un objectif prioritaire). Bref, on n'avait pas affaire à une proposition de mesure sociale, mais à une mine posée sur le projet de municipalisation. Et donc, on a déminé. Et renvoyé la pro-position de bons de garde à ses auteurs. Pour qu'ils se l'appliquent à eux-mêmes...

ça, c'est fait : le Conseil municipal a accepté notre proposition d'introduire en Ville de Genève une carte d'habi-tant.e, une carte d'accès aux services et prestations de la Ville. Au départ, on avait une proposition d'Ensemble à Gauche, de créer une carte d'iden-tité municipale pour mineurs non-accompagnés (les MNA). On en a fait une proposition de carte d'habitant.e, puisqu’une commune n'a pas le droit de délivrer des cartes d'identité, et que délivrer un document d'identification aux seuls MNA, ou sans-papiers, serait leur délivrer un document d'auto-dénonciation. La droite n'avait rien compris à cet amendement, et se battait contre l'ancienne proposition (la carte d'identité pour MNA) , qui n'était plus celle dont on débattait et sur laquelle on devait voter (la carte d'habitant-e). C'était amusant, ça nous a facilité les choses, mais à la longue, après une demie-douzaine d'interventions refusant une propo-sition qui n'était plus faite, on commençait un peu à fatiguer... Le Conseil municipal a donc voté notre proposition de carte d'habitant.e, proposée à toutes celles et tous ceux qui habitent la Ville, sans distinction et sans discrimination d'origine, de statut légal, d'âge. MNA et sans-papiers compris, puisqu'ils sont habitant.e.s de la Ville. Bon, on n'a voté qu'une motion, et ce sera donc au Conseil administratif d'étudier la faisabilité, les modalités, le coût de l'introduction de la carte d'habitant. Nous n'avons décidé de rien, mercredi, sinon de confier au Conseil administratif la tâche de nous faire une proposition précise. On a fait un premier pas. Et ce n'est pas lui qui coûte. Il s'agissait de simplifier la vie de toutes et tous les habitant.e.s de la Ville Y compris de celles et  ceux qui n'ont pas de statut légal d'où l'opposition de la droite de la droite : dès que des sans-papiers peuvent béné-ficier d'une décision municipale ou cantonale, elle est contre : contre Papyrus, contre l'aide aux précaires, contre l'ouverture des hébergement d'urgence aux sans-papiers, contre l'introduction à Genève d'une carte d'habitant.e qui ne les excluerait pas d'emblée. Comme s'ils n'étaient pas là. Mais ils (et elles) sont là. Et font nos villes, avec nous.  «Wir alle sind Bern» proclament nos amis bernois, défenseurs d'une même proposition que la nôtre. Nous toutes et tous sommes Genève, avons-nous traduit. 

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