Fonds de tiroir

 La campagne électorale pour la présidentielle française a enfin abordé une question de fond. La bouffe. Et c'est grâce au candidat du Parti communiste, Fabien Roussel qu'on en est enfin arrivé aux choses sérieuses. La bouffe. Il a donc déclaré à la télé, Fabien Roussel, qu'«un bon vin, une bonne viande, un bon fromage, c'est la gastronomie française. Le meilleur moyen de la défendre, c'est de permettre aux Français d'y avoir accès». Et donc de ne pas devoir se contenter, par manque de fric pour les courses, de gros rouge qui tache, de poulet aux hormones et d'une gomme insipide. En somme, le candidat du PCF a réussi à lier dans une seule phrase, courte et claire, culture (la gastro-nomie, ç'en est) et redistribution sociale. D'autres devraient en prendre de la graine. Mais la petite phrase de Fabien Roussel a suscité un tollé. Et un tollé à gauche, pas à droite. Tout le monde ou presque lui est tombé dessus en l'accusant de reprendre un thème d'extrême-droite, «apéro saucisson-pinard», de sombrer dans le racisme et le suprématisme blanc, de mépriser les végétariens et les vegans. d'inciter à l'alcoolisme. Comme si revendiquer pour tous les Français le droit de ne pas manger n'importe quoi était un projet fasciste, viandard et alcooliste. N'importe quoi ? Ouais, n'importe quoi. Sur ce, on va se faire une longeole avec un gratin de cardons, et se siffler un bon rouge genevois (des vignes de la République), et finir avec un reblochon. Na !

Joseph Ratzinger est pape. Pape honoraire, mais pape quand même, vu qu'il l'a été de plein droit sous le nom de Benoît XVI jusqu'en 2013, où il a renoncé à sa tiare, sa chaise curule, son infaillibilité et sa garde suisse. Il était temps. Avant d'être pape, il avait été cardinal, et encore avant, évêque. Archevêque, même, de Munich, entre 1977 et 1982. Et aujourd'hui, un rapport rédigé par un cabinet d'avocat munichois sur les abus sexuel dans le diocèse dont Joseph-Benoît était l'évêque dénonce un «système de dissimulation», une «peur de salir l'institution», un «désintérêt systématique pour les victimes», expliquant pourquoi une chape de silence et de complicité (y compris celle de Ratzinger et de son frère) a pesé sur les cas de 173 prêtres et 62 laïcs ayant abusé de près de 500 enfants entre 1946 et 2014, dans ce seul diocèse. «Une vision d'horreur», a résumé l'un des auteurs du rapport, qui admet que ses chiffres sont sans doute «très en dessous de la réalité». Quand Ratzinger a été élu pape, le «Bild» avait titré en «une» : «Nous sommes pape !». Un bonheur patrio-tique qui n'a pas duré : on a d'abord appris que Ratzinger avait été membre des  Jeunesses hitlériennes. On a ensuite eu confirmation de son ultra-conservatisme, voire de son fondamentalisme. Aujourd'hui, le rapport sur les abus sexuels dans son propre diocèse lui reproche un «comportement fautif» dans des cas de prêtres ayant commis des violences sexuelles sur mineurs, et qu'il n'aurait rien fait pour écarter (l'un des quatre a été muté dans une autre paroisse, a récidivé, mais partira tranquillement à la retraite en 2010. Ratzinger étant alors devenu pape). Il refuse aujourd' hui toute autocritique, refuse toute présentation d'excuse auprès des victimes, rejette «strictement» toute responsabilité, et se contente d'expri-mer sa «honte». Mais de quoi admet-il avoir honte ? D'avoir menti et que cela se sache ? D'avoir couvert des salauds ? d'avoir affirmé à des enquê-teurs qu'un prêtre exhibant sa bite à des enfants ne commettait pas un abus sexuel et que n'était pas condamné par le droit canonique ? D'avoir pri-vilégié la réputation de l'Eglise et la sienne à la vérité ? D'avoir accepté que des prêtres aient donné à l'in-jonction évangélique «laissez venir à moi les petits enfants» la même interprétation que Gilles de Rais ?

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