Initiative "Zéro Pub" : règlement d'application pas encore adopté

 

Ter repetita placent ?

Fin janvier, le Conseil municipal de la Ville de Genève a approuvé le règlement d'application de l'initiative populaire "Zéro Pub", qu'il avait déjà décidé  en septembre de soutenir -contre l'avis du Conseil administratif, d'ailleurs. Ainsi, la publicité commerciale par affiches serait interdite dans l'espace public genevois. La droite municipale a ferraillé d'abord, et sans succès, pour renvoyer le projet de règlement à l'étude en commission  -exercice parfaitement superfétatoire puisque l'initiative elle-même y avait déjà été étudiée pendant des semaines, avec 18 auditions (la plupart d'opposants à l'initiative) à la clef, puis a tout de même obtenu que le règlement proposé par le Conseil administratif soit soumis à un troisième et dernier débat, avant, peut-être, de l'être à un référendum. Ce troisième débat risque fort de n'être qu'un écho du deuxième. On y réentendra donc , outre une solide brassée d'âneries (qu'Aliboron nous pardonne...), les mêmes arguments qu'on avait déjà entendu jusqu'à lassitude lors de la prise en compte de l'initiative elle-même. A défaut de nouveaux arguments, ça produira toujours des jetons de présence en plus pour les membres du Conseil municipal et à leurs groupes et partis politiques, et un délai supplémentaire accordé à la droite municipale et aux publicitaires pour préparer un référendun. Et peut-être même (rêvons un peu) ces presque deux mois de délai (obtenus par le bureau du Conseil municipal malgré un règlement qui impose de tenir le troisième débat dans la séance suivante du deuxième) pourraient être mis à  profit par la droite municipale pour inciter celles et ceux qui prendront la parole en son nom à lire les textes sur lesquels ils se prononceront, ce qui, soyons optimistes, pourrait leur éviter de dire (et nous éviter d'entendre dire) n'importe quoi.

Le Conseil municipal avait soutenu l'initiative, il devrait, logiquement, soutenir le règlement qui la met en oeuvre

La procédure de traitement d'une initiative populaire municipale, à Genève, a quelque chose de baroque. Du baroque finissant, tout près du rococo. Elle tient aussi d'un jeu de l'oie. On résume l'état de la partie pour "Zéro Pub" en Ville : la validité d'une initiative populaire municipale doit être confirmée par le Conseil d'Etat. Le Conseil municipal doit ensuite se prononcer sur l'initiative. S'il ne le fait pas, ou le fait trop tard,  l'initiative est soumise au peuple sans préavis du Conseil municipal. S'il accepte l'initiative, elle est réputée acceptée sans avoir besoin d'être soumise au vote populaire, et le Conseil administratif doit présenter un projet de délibération de mise en oeuvre. Si ce projet est accepté par le Conseil municipal, il peut-être soumis à référendum populaire : les référendaires ont alors 40 jours pour récolter, en Ville de Genève, 3200 signatures valables (soit en gros 4000 signatures, pour avoir une marge suffisante, nombre de signatures risquant d'être annulées). Au stade où on en est, l'initiative a été acceptée par le Conseil municipal, et le projet de règlement présenté par le Conseil administratif aussi, dans un premier temps -un troisième débat et un vote définitif auront lieu en mars (grâce au refus des Verts de le tenir la semaine prochaine), ce qui ouvrira à la droite la possibilité d'un référendum en temps plus clément qu'en février.

Nous (la gauche ) avons soutenu l'initiative parce que nous soutenons ses objectifs principaux : libérer l'espace public de l'incitation au consumérisme, accroître l'espace accordé à l'information culturelle, associative, sportive, et à la libre expression de la population. La droite a annoncé un référendum, au terme d'un débat où elle a alterné, contradictoirement, les prédictions apocalyptiques et la dénonciation d'un texte inutile.  Alors, cette initiative, et sa mise en oeuvre selon le règlement du Conseil administratif, sont-elles acratopèges ou ravageuses du petit commerce, du secteur du graphisme, de l'emploi, des manifestations sportives et de la création culturelle ? Disons qu'elles ne sont ni l'un, ni l'autre :  elles interdisent la publicité commerciale sur les panneaux mis à disposition par la Ville, et actuellement remis en concession à une entreprise privée (Neo Avertising), et affectent ces panneaux à la publicité culturelle, sportive, associative, éducative et à l'expression citoyenne. Elle ne concerne que la publicité commerciale par affiches, et donc la publicité à but lucratif, ce but devant être celui de l'entité pour qui la publicité est faite. Les organisations syndicales ou corporatives, comme l'Office de promotion des produits agricoles de Genève ne sont donc pas concernées, puisqu'elles ne cherchent pas un profit pour elles-mêmes. Contrairement à ce que clamait la droite dans les débats au Conseil municipal, il n'y a aucune interdiction totale proposée de la publicité, ni de la publicité commerciale, ni même de la publicité commerciale par affiches. Et l'initiative n'entrerait en vigueur qu'en 2025, à l'échéance de la concession accordée au prestataire privé, Neo Advertising... qui n'en a nul besoin pour vivre.

Au Conseil municipal, le débat a eu quelque chose de... comment dire ? pataphysique ? dadaïste ? Entendre la porte-parole du PLR se muer en porte-parole de l'antimondialisme capitaliste, en adversaire des GAFA, en défenseuse des travailleurs fut un grand moment, et on résistait mal à une furieuse envie de clamer "Arlette Laguiller, sors de ce corps !"... Le Conseil municipal avait soutenu l'initiative, il devrait logiquement soutenir le règlement qui la met en oeuvre, ce dernier soutien ouvrant la possibilité d'un référendum : de quoi se plaint alors la droite qui annonce vouloir le lancer ? de devoir faire l'effort de récolter des signatures après avoir fait celui de lire le texte qu'elle combat ?



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