L'Ukraine est seule, les Ukrainiens ne doivent pas l'être
Ce sont les gens qui nous importent, pas les Etats
Ce serait "le plus grave conflit en
Europe depuis 1945", ce qui est un peu vite oublier les
guerres du démantèlement de la Yougoslavie : la Russie a
envahi l'Ukraine. On reviendra sur les justifications
poutiniennes de cette invasion , on tentera d'y démêler ce qui
tient de l'irrationnel (les Russes seraient victimes
d'un"génocide" en Ukraine, des "nazis" sont au pouvoir à Kiev,
il n'y a pas de nation ukrainienne, l'Ukraine est un Etat
illégitime), de l'obsession (la reconstitution d'une Grande
Russie, l'obsession de l'encerclement) et du calcul. On pourra
revenir aussi sur l'histoire et sa réécriture poutinienne, celle
de l'Ukraine et celle de la Russie, on pourra remonter jusqu'aux
Varègues et à la Rus, arriver à Makhno et à Petlioura, évoquer
la grande famine des années vingt et la seconde guerre mondiale
: Ici et maintenant, la seule question à laquelle nous devrions
répondre est : "maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?".
L'"Occident" n'enverra personne mourir pour Kiev et laissera
l'Ukraine à son sort, à quelques discours, quelques
gesticulations et quelques sanctions près. Nous, ici, ce qui
doit nous importer, ce ne sont pas les frontières, mais celles
et ceux qui vivent derrière elles, entre elles. Pas l'Ukraine
mais les Ukrainiens et les Ukrainiennes. Pas Poutine, même pas
la Russie (la grande, la petite, la blanche), mais les Russes.
Pas les Etats, mais les peuples. Pas les potentats, mais les
gens.
"Le problème de la Russie, c'est qu'elle ne sait ni où elle commence ni où elle finit" (Vaclav Havel)
La Suisse, par le biais du DFAE a déclaré
"condamner dans les termes les plus forts l'invasion russe de
l'Ukraine", elle appelle Moscou à cesser "immédiatement
l'agression militaire" et à retirer ses troupes du territoire
ukrainien. On n'en attendait pas moins de la Suisse officielle,
si on pouvait en attendre plus. Des
sanctions vont être imposées à la Russie, la Suisse s'y
associera, au moins en partie. Et puis quoi ? L'Iran est sous
sanction depuis quarante ans, le régime islamique est-il tombé ?
La Corée du Nord est sous sanction, la dynastie Kim est-elle
tombée ? Les sanctions font des victimes -mais ces victimes ne
sont pas au pouvoir dans les Etats sanctionnée : les sanctions
contre les Etats, les régimes, ce sont les peuples qui en paient
le prix, pas les potentats. Les promoteurs des sanctions
affirment vouloir isoler la Russie ? Mais l'isoler de quoi, et
de qui ? Certainement pas de la Chine, qui pourrait à elle
seule, si elle en décide ainsi, compenser tout ce que la Russie
perdrait par la rupture de ses échanges avec l'Europe, les USA,
leur alliés et leurs protectorats. Les Russes seront isolés, pas
la Russie, ni Poutine et son gang.
Alors quoi ? Comment réagir à l'agression russe autrement qu'en manifestant devant les ambassades russes ? D'abord en ne confondant pas Poutine et la Russie, Poutine et les Russes. Car il y a une société civile russe, une opposition russe aux guerres de Poutine : "Amis, pour protester contre l'invasion de l'Ukraine par la Russie, je quitte mon poste de directrice du Théâtre d'État et du Centre culturel Vsevolod Meyerhold de Moscou. Il est impossible de travailler pour un meurtrier et de percevoir un salaire de lui", fait savoir publiquement, sachant les risques qu'elle prend, Elena Kovalskaya
Ensuite en étant matériellement solidaire des Ukrainiens et des Ukrainiennes. De celles et ceux qui fuiront leur pays pour trouver asile en Europe -et en Suisse, comme de celles et ceux qui y resteront.
Enfin, en soutenant, politiquement et matériellement, dans toute la mesure du possible, les mouvements sociaux qui, en Russie s'opposent aux guerres de Poutine (il y a eu des manifestations dénonçant l'agression de l'Ukraine, et des milliers de manifestants ont été arrêtés), et en Ukraine tentent de maintenir une espérance, une pratique, une culture démocratique. Et en soutenant les derniers media libres de Russie. Et l'espoir, même ténu, d'une construction démocratique dans pays qui n'a connu de démocratie que pendant dix mois, entre mars et novembre 1917.
"Le problème de la Russie, c'est qu'elle ne sait ni où elle commence ni où elle finit" (Vaclav Havel). Ni où, ni quand.
Commentaires
Enregistrer un commentaire