Premier tour des législatives françaises : Les habit neufs du président Macron
Dimanche, pour le premier tour et le 19 juin pour le deuxième, la France est convoquée aux urnes pour ce que désormais tous les commentateurs (et une bonne partie des acteurs) considèrent comme le "troisième tour" de la présidentielle : les élections législatives. En avoir fait un "troisième tour" entre entre l'élu et le recalé de la présidentielle, Macron et Mélenchon, est certainement absurde institutionnellement, mais sans doute pertinent politiquement. Comme est institutionnellement absurde mais politiquement pertinent l'appel de Mélenchon à "l'élire Premier ministre". Cela a au moins eu comme effet bénéfique de marginaliser l'extrême-droite... La campagne s'est faite longtemps, assez inhabituellement en France, en l'absence du président de la République, et dans une grande discrétion du gouvernement lui-même, comme si leur mot d'ordre était "surtout pas de vague", et tant pis pour l'abstention. Ou tant mieux, l'électorat de Macron et des siens votant plus que celui de Mélenchon et de la NUPES. Du coup, la stratégie présidentielle s'était, jusqu'à cette semaine, résumée en un évitement de tous les sujets qui fâchent (la retraite, par exemple) ou en un renvoi de ces sujets à des débats au sein d'une nouvelle instance que veut créer Macron, un "Conseil national de la refondation" supposé être représentatif des acteurs de la "société civile" (ce que le Conseil. économique, social et environnemental était déjà supposé être mieux que l'Assemblée nationale). Le Grand Timonier de la Ve République a-t-il repris le mot d'ordre du Grand Timonier de la République populaire : "Que cent fleurs s'épanouissent, que cent écoles rivalisent" au sein de ce nouveau Conseil ? En Chine, si cent fleurs se sont bien épanouies, elles ont été coupées une fois la fête finie. Et si cent écoles ont bien bien rivalisé -elles ont été transformées en camps de rééducation. La France y échappera, Macron n'est pas Mao -mais créer une nouvelle instance de débats n'a de sens que s'il sort autre chose de ces débats que l'impression d'y avoir perdu son temps...
"Que cent fleurs s'épanouissent, que cent écoles
rivalisent"
577 députés à
l'Assemblée nationale française vont être
élus dimanche et le dimanche suivant, au
suffrage universel, à la majorité simple au
premier tour, relative au second, et par
circonscriptions. La deuxième chambre, dite
"haute" quoique ses compétences soient plus
basses que la chambre "basse" (l'Assemblée
nationale) n'est pas concernée -elle n'est
d'ailleurs pas élue au suffrage universel
direct, mais au suffrage indirect et
notabiliaire, par un collège d'élus locaux et
régionaux. Dans l'Assemblée sortante, le parti
présidentiel, la "République en marche", dispose avec
ses alliés du Modem (centre) d'une large majorité de
sièges (346), l'opposition se répartissant entre les 136
députés des "Républicains" et de leurs alliés, les 44
socialistes et alliés, les 17 députés de la "France
insoumise" et les 8 du Rassemblement national : le
système électoral arase les forces contestataires, bien
moins représentées au parlement que dans l'électorat
-d'où leur revendication incessante du passage à un
système proportionnel. Il arase aussi la représentation
de la société : l'Assemblée nationale, massivement
masculine et "blanche", ne comptait dans sa composition
sortante que 0,4 % d'ouvriers et 4 % d'employés.
La présidentielle a encore accentué la débâcle
des deux partis gouvernementaux qui ont dominé le champ
politique de la Ve République française après la mort de
De Gaulle : le PS, reconstitué entre 1969 et 1971, sur
les décombres de la SFIO, et les Républicains, fusion du
parti gaulliste et du parti libéral. La chute du PS a
réellement commencé sous le mandat de François Hollande,
au terme duquel, en 2017, le candidat socialiste à la
présidentielle, Benoît Hamon n'avait obtenu que 6,36 %
des suffrages, retrouvant peu ou prou le score de Gaston
Defferre en 1969. La chute des Républicains avait, elle,
commencé avec la défaite de Sarkozy face à Hollande,
cinq ans plus tôt. Et les deux partis se retrouvent dans
un casse-noix, entre Macron et la gauche de la gauche
pour le PS, Macron et le Rassemblement National pour les
Républicains. Et c'est la question de leur survie qu'ils
ont à se poser. Ils y ont donné deux réponses
différentes : le PS en ralliant l'alliance de toute la
gauche, le PR en allant seul au combat électoral.
L'affrontement électoral se résume désormais en
un affrontement entre Macron et Mélenchon, les autres
protagonistes jouant les utilités, ou leur survie
politique. Un avant-premier tour avait été tenu dimanche
dernier dans les douze circonscriptions des Français de
l'étranger : la NUPES était arrivée en tête dans deux
d'entre elles, les macroniens dans les autres, et sera certainement au
soir du deuxième tour être la
première force d'opposition à la
majorité présidentielle, mais le système électoral de
la Ve République est conçu pour donner au
président une majorité parlementaire même s'il
n'obtient pas une majorité de suffrages. Les
projections en sièges faites par les instituts
de sondage donnent à nouveau une majorité
possible, même de justesse, au parti
présidentiel et à ses alliés au parlement,
lors même que les sondages placent parfois la
Nupes devant la coalition macronienne en
suffrages, mais elles sont à prendre avec de
longues pincettes à manier avec beaucoup de
prudence, dans un système majoritaire à deux
tours qui défavorise au deuxième tour les
candidatures les plus clivantes (celles de la
Nupes et celles du Rassemblement national), et
dans un contexte politique où l'électorat
actif s'est réparti à la présidentielle entre
trois forces à peu près égales dont la
coexistence reproduit le bon vieux clivage
historique qu'on croyait dépassé entre une
gauche, une droite et un "centre" -à ceci près
que la droite y est beaucoup plus à droite, la
gauche beaucoup plus à gauche et le centre
politiquement encore plus flou (ce qui n'est
pas peu dire) qu'avant. Dans l'électorat, en
effet, la droite c'est d'abord le
Rassemblement national, la gauche d'abord la
"France Insoumise" et le centre
essentiellement le soutien à Macron, quoi
qu'il fasse.
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