Abolition de l'impôt anticipé sur les obligations : Un cadeau aux fraudeurs

Le 25 novembre, on votera sur la suppression, proposée par la droite et combattue par un référendum de la gauche, de l'impôt anticipé de 35 % perçu sur les intérêts des obligations. Le premier sondage Tamedia, en août, suggérait une majorité rejetante de 51 %, avec toutefois une forte proportion (19 %) d'indécis. Seuls les électeurs du PLR se prononceraient en sa faveur (à 55 %)... Cet impôt prélevé par anticipation est intégralement remboursé si les intérêts qu'il frappe sont intégralement déclarés au fisc par un investisseur résidant en Suisse, partiellement remboursé s'il réside à l'étranger.  L'impôt anticipé n'a donc qu'une cible : les tricheurs, fraudeurs, optimiseurs fiscaux, qui ont acheté des obligations émises par des entreprises et des collectivités publiques. Supprimer cet impôt comme le veut la droite, c'est faire aux fraudeurs le cadeau d'une d'impunité. Un cadeau que le lobby bancaire et financier a convaincu la majorité du parlement fédéral de leur faire, et une enquête journalistique révèle l’existence de versements secrets d'EconomieSuisse destinés aux caisses des partis de droite pour financer leur campagne pour l'abolition de l'anticipé :  le lobby des grandes entreprises aurait versé 100 000 francs à chaque parti bourgeois.  Quant aux contribuables lambdas, ils feront les frais de l'opération : la perte fiscale que cette suppression entraînera et qui est évaluée dans une très large fourchette de 275 à 800 millions de francs par année (plus les taux d'intérêts seront élevés, plus les pertes seront importantes) devrait bien être compensée, et ne pourrait l'être qu'en réduisant les prestations publiques et en affaiblissant les services publics... ou en la reportant sur les cantons et les communes...

Dis moi ce que tu votes, je te dirai qui tu sers...

La suppression, les uns après les autres, des droits de timbre prélevés sur l'émission et l'échange de titres est un vieil objectif de la droite. Comme le reconnaissait le Conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz en 2005, elle bénéficierait avant tout aux multinationales, aux banques, aux assurances et aux holdings. Le 13 février, le peuple a massivement refusé (à 62,7 % des suffrages), après un référendum lancé par le PS, la première étape de ces suppressions. La deuxième étape, celle de la suppression du droit de timbre de négociation sur les obligations suisses, est contenue dans le projet de suppression de l'impôt anticipé, contesté par un nouveau référendum de gauche et soumis au vote populaire le 25 septembre. L'impôt anticipé, c'est d'abord un instrument de lutte contre la fraude fiscale. Son abolition est donc un renoncement à cet instrument, voire à cette lutte elle-même et ferait perdre, selon les estimations de l'administration fédérale, au moins un demi-milliard (jusqu'à un milliard selon les opposants à ce cadeau aux fraudeurs) de recettes fiscales -celles qui proviennent des revenus non-déclarés au fisc et que l'impôt anticipé frappe : si on le supprime, on perd ces recettes. Cette perte, il va bien falloir la compenser. Or comment la Confédération pourrait la compenser ? En réduisant, voire en supprimant, des prestations à la population, ou en transférant des charges aux cantons -qui à leur tour les transféreront aux communes... qui ne pourront les transférer que sur la population elle-même.

On votera le même jour sur la suppression de l'impôt anticipé, sur le report d'un an de l'âge de la retraite des femmes et sur l'augmentation de la TVA. Et on votera "non" à ces trois propositions de la droite. Parce qu'elles ont toutes le même objectif : faire payer à la majorité de la population les cadeaux faits, d'une "réforme" fiscale à l'autre, à la minorité la plus fortunée. L'indispensable Ueli Maurer la résume : il faut donner un "signal positif en faveur de la place financière suisse". Or elle se porte fort bien, la place financière suisse : ses bénéfices ont crû de plus de 8 % en 2021... pendant que communes, cantons et Confédération devaient assumer les dépenses rendues nécessaires par la lutte contre la coronapandémie.
Il y a de la cohérence, là-dedans : celle d'une redistribution fiscale à l'envers, des bas revenus vers les hauts revenus... A rebours du bon sens et de l'intérêt public ? Sans doute. Mais évidemment pas à rebours des intérêts bien compris d'une minorité de contribuables (dont les fraudeurs) et d'entreprises (les plus grosses).... Dis moi ce que tu votes, je te dirai qui tu sers...





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