Le sort de l'AVS entre les mains des femmes ?
Le financement du système de retraite : un
        chantier, pas un bricolage
      
L'hebdo patronal "Entreprise" a trouvé un argument imparable en faveur de la contre-réforme AVS-21 : "le bonheur est dans la vieillesse". Vous ne voyez pas le rapport ? Nous non plus, d'autant que l'argumentation est... comment dire... étrange : on nous explique que les années de retraite se passent désormais "avec un niveau de satisfaction très élevé", comme quand on a vingt ans mais pour des raisons différentes : à vingt ans, c'est parce que "l'avenir et tous les possibles s'ouvrent à nous", et à partir de la soixantaine c'est parce que "l'altruisme, la capacité à lâcher prise et la gratitude s'installent". Et que "la vieillesse est aussi caractérisée par le bonheur de transmettre son savoir aux autres générations, ce qui est une source de profond bien-être" (c'est dire si on prend notre pied au Conseil municipal quand on s'adresse à nos jeunes collègues). Et l'édito du canard patronal de poursuivre : "en prenant de l'âge, les individus agissent de plus en plus avec sagesse, c'est-à-dire qu'ils se concentrent sur l'essentiel, de manière positive". C'est tout nous, ça. Mais alors, si tout baigne dans le bonheur pour les retraités (même ceux qui touchent le minimum AVS, n'ont pas de 2e pilier et doivent se débrouiller avec 2500 balles par mois, prestations complémentaires comprises ? ), on se demande pourquoi les syndicats patronaux militent pour la retraite à 65 ans pour les femmes, puis 67 ans pour tout le monde plutôt que pour la retraite à 60 ans, et cinq ans de bonheur en plus...
 La droite et le Conseil fédéral invoquent le
        "défi de la démographie" pour justifier le report de l'âge de la
        retraite : le rapport quantitatif entre ceux qui paient les
        retraites (les actifs) et ceux qui les touchent (les rentiers
        -ils étaient 2,6 millions en 2021) se modifie, et si l'âge de la
        retraite a été fixé en 1948 à 65 ans pour les hommes, cela
        correspondait à un mois près à l’espérance de vie des premiers
        et à quatre ans près à celle des secondes, ce qui avait pour
        conséquence que non seulement une bonne partie des retraités et
        retraitées ne touchaient de rentes que pendant quelques mois
        avant d'avoir le bon goût de mourir, beaucoup d'autres mourant
        avant même d'avoir atteint l'âge de la retraite...  Aujourd'hui,
        l'espérance de vie s'est établie à 82 ans pour les hommes et 85
        ans et demi pour les femmes -un écart entre les genres qui n'a
        donc pratiquement pas bougé, contrairement à l'espérance de vie.
        Et on n'aurait pas besoin de sonder trop profondément dans les
        arrières-pensée d'une partie de la droite pour y trouver
        l'espoir qu'un jour, à nouveau, l'âge de la retraite ne
        précéderait que de quelques mois celui du décès...  Mais
        l'espérance de vie en bonne santé n'est déjà plus que de 70 ans
        pour les femmes, un seul an de plus que les hommes...
      
Pour faire admettre comme une fatalité
        l'adaptation de l'âge du droit à la retraite à l'espérance
        moyenne de vie, on oublie opportunément de préciser qu'il n'y a
        pas que cette espérance qui progresse, il y a aussi la 
        productivité et donc la  richesse produite, la masse salariale
        et le taux d'activité des femmes et donc le volume des
        cotisations, notamment celles de femmes. Et s'il y avait six
        actifs et actives et demi pour un.e retraité.e en 1948 , c'est
        en comptant les femmes sans activité professionnelle
        rémunérée... Il pourrait
          n'y avoir plus que deux actifs et actives pour un.e retraité.e
          en 2040 ?  peut-être (encore qu'il ne s'agisse que d'une
          estimation), mais les actifs et actives cotisent déjà
        beaucoup plus que jamais... Et une politique familiale plus
        volontariste, plus progressiste, une plus grande ouverture à la
        migration, l'égalité salariale entre femmes et hommes et une
        amélioration des salaires (par l'introduction de salaires
        minimums, notamment) peuvent rétablir un rapport plus
        "confortable" entre cotisants et rentiers. L'utilisation d'une
        partie des bénéfices de la Banque nationale, la taxation des
        revenus du capital et des transactions financières, une plus
        forte fiscalité sur les hauts revenus et les grosses fortunes,
        dans un pays où 0,3 % des contribuables possèdent le tiers de la
        fortune globale, sont aussi des moyens de financement de l'AVS
        -des moyens plus justes qu'une augmentation de la TVA. AVS-21
        prévoit (il ne s'agit effectivement que de prévisions, non de
        certitudes) de faire économiser sept milliards de francs sur le
        dos des femmes ? Il manquerait, selon l'Office fédéral des
        assurances sociale, 18,5 milliards de francs à l'AVS sur les dix
        prochaines années ? le chiffre peut impressionner, mais il ne
        représente qu'une toute petite partie de la fortune accumulée de
        quelques milliers de personnes... 
      
Durant cette législature finissante, la gauche, minoritaire au sein du parlement et du gouvernement, a réussi à devenir majoritaire au sein du peuple pour repousser des propositions de la droite (la suppression du droit de timbre) ou imposer les siennes ou celles de mouvements dont elle soutenait les propositions (prévention du tabac, soins infirmiers). Le 25 septembre pourrait parfaire cette suite de victoires, en empêchant la mise en oeuvre du plan de la droite de démantèlement du premier pilier de notre système de retraite, pour renforcer le second (qui n'est qu'une épargne forcée, non solidaire, pour la propre retraite du cotisant ou de la cotisante) et le troisième (qui n'est qu'une épargne volontaire à disposition de qui peut épargner). A nous, à gauche, de nous battre d'abord pour convaincre les hommes, les jeunes et les Alémaniques de voter "non" alors que les sondages suggèrent qu'ils pourraient voter "oui" et annuler le vote des femmes (et des Romands et Tessinois), ensuite pour promouvoir un vrai renforcement de l’AVS. Et ce combat, nous allons devoir le mener en même temps que d'autres, sur tous les terrains sociaux et fiscaux où la droite est à l'offensive : le 25 septembre, nous avons aussi à refuser la suppression de l'impôt anticipé sur les obligations. Et ensuite, à ouvrir le véritable chantier du financement du système de retraite. Le chantier, pas le bricolage.



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