Election d'une nouvelle et d'un nouveau membre du Conseil fédéral

Sept de table

Ils sont sept, depuis 1848. Sept hommes, jusqu'en 1984. Sept, dont, presque toujours, trois viennent de Zurich, de Berne et de Vaud. Sept, dont, depuis 1959, deux socialistes. C'est le gouvernement suisse, élu par le parlement. Un gouvernement qui ne peut être renversé par une motion de censure, et qui n'a aucun besoin de présenter une motion de confiance : il est, entre deux élections, inamovible, si ses membres changent. Et quand l'un ou l'une de ses membres, ou deux comme actuellement, démissionnent, on se contente de les remplacer. On devrait changer tout ça, on pourrait, la Jeunesse socialiste  le demande, mais on ne le fera pas. Qui, "on" ? les partis gouvernementaux, le parlement, le peuple même. On peut donc sans grand risque de perdre parier que le mois prochain, lorsque seront désignés la successeure et le successeur de Simonetta Sommaruga et d'Ueli Maurer, on se contentera de remplir les vides qu'ils ont laissé. Ils seront toujours sept à table, dont deux UDC et deux socialistes. Fermez le ban, circulez, y'a rien à voir.

Une "formule magique" qui n'a de magique que sa résistance au changement

Le 7 décembre, Le PS présentera donc au parlement fédéral deux femmes, au choix, à la succession d'une femme, Simonetta Sommaruga, elle-même élue sur une liste de deux femmes candidates à la succession de Moritz Leuenberger La succession de Simonetta sommaruga se jouera en même temps que celle d'Ueli Maurer. On voit mal comment un parti qui se veut à l'avant-garde du combat pour l'égalité des genres aurait pu envisager d'être représenté au gouvernement par deux hommes. Reste que ce choix aura été fait sans qu'un débat s'engage, ou se réengage, dans le parti, et pas seulement au sein du groupe parlementaire, sur le sens de la participation de socialistes à un gouvernement très majoritairement (à cinq sur sept...) de droite. Ce débat, la Jeunesse Socialiste le demande, mais il serait stupéfiant qu'on le lui accorde, et plus stupéfiant encore qu'on le lui accorde avant la désignation des candidates. Le choix se fera entre la Conseillère aux Etats bâloise Eva Herzog, la Conseillère d'Etat bernoise Evi Allemann, la Conseillère d'Etat jurassienne Elisabeth Baume-Schneider. Et était également  candidat à la candidature le Conseiller aux Etats zurichois Daniel Jositsch. Sur ces quatre candidatures initiales, trois étaient clairement situées à la droite du parti -la quatrième, c'est celle d'Elisabeth Baume-Schneider. Et tant qu'à choisir, puisque le choix que propose la Jeunesse socialiste, de ne plus siéger dans un gouvernement de droite (à moins qu'un.e troisième ministre de gauche y soit élu en décembre), ne sera pas fait par le PS et que les ministres socialistes sont finalement choisis par la droite, autant choisir la candidate la plus à gauche, non ? Surtout si, en plus d'être plus à gauche, elle est jurassienne...

Des quatre candidatures annoncées au PS pour figurer sur le "ticket" qui sera présenté au parlement fédéral pour qu'il y choisisse celle qui succèdera à Simonetta Sommaruga, trois sont donc clairement situées à la droite du parti : Eva Herzog, Evi Allemann, Daniel Jositsch. Et donc, a priori, préférables pour la majorité du parlement à la quatrième candidature, celle d'Elisabeth Baume-Schneider, supposée être trop à gauche. Même si  présenter sa candidature à un gouvernement comme le gouvernement suisse ne peut guère passer pour un acte subversif en soi : "Je ne veux plus faire la révolution, même si j'ai été dans la Ligue marxiste révolutionnaire quand j'étais étudiante". Elisabeth Baume-Schneider, qu'on se le dise, n'est pas un sous-marin trotskiste, c'est une social-démocrate de gauche. Et elle est Conseillère d'Etat d'un canton qui n'a encore jamais eu de représentant.e au Conseil fédéral, contrairement aux deux cantons, Berne et Zurich, qui (comme Vaud) en ont quasiment eu en permanence depuis plus de 150 ans, à quelques accidents historiques près, et d'où nous viennent deux des trois autres candidatures (celles d'Evi Allemann et de Daniel Jositsch, la troisième, celle d'Eva Herzog, nous venant de Bâle).

L'élection d'une Jurassienne ferait basculer la majorité du Conseil fédéral côté "latin" (romand et tessinois) alors que les Alémaniques sont majoritaires dans la population ? Oui, et alors ? Qu'est-ce qui importe le plus ? les choix politiques des uns, des unes et des autres, ou la langue dans laquelle ils et elles les expriment ? "Le pays est confronté à des enjeux de société tellement plus importants que l'unique question linguistique", résume Elisabeth Baume-Schneider... D'ailleurs, même si un changement de majorité linguistique posait problème, un peu de patience arrondirait les angles : Elisabeth Baume-Schneider, par ailleurs d'origine alémanique, se veut une candidate de "transition", et il suffirait d'élire un.e socialiste alémanique à la succession d'Alain Berset pour que tout rentre dans l'ordre. Mais quel ordre ? Celui d'une "formule magique" qui n'a de magique que sa résistance au changement (elle a tout de même 63 ans...) : elle consiste à répartir les sièges au sein du gouvernement fédéral en fonction de la représentation aux Chambres : les trois partis les plus représentés (actuellement l'UDC, le PS et le PLR) ont droit à deux sièges, le quatrième parti (actuellement le Centre-PDC) au septième siège. Et cela sans programme de gouvernement, et avec pour seul enjeu celui de savoir quel ministère pour qui, et pour seule règle celle des chaises musicales : Qui aux Finances ? Qui à l'Energie, aux Transports, à l’Environnement et à la Communication ?

Le gouvernement suisse n'est pas un gouvernement de coalition, c'est un gouvernement d'addition. En soustraire les socialistes leur ferait sans doute le plus grand bien : qu'avons-nous eu à gagner à voir des ministres socialiste défendre des projets que nous combattons (le report de l'âge de la retraite des femmes, par exemple) et combattre des projets que nous défendons (l'initiative 1.12, par exemple) ? De la respectabilité ? Mais qu'avons nous à faire d'être respectables aux yeux du patronat, des banques, des exportateurs d'armes, de l'UDC et du PLR ?

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