Débat budgétaire en Ville de Genève : Pensum bavard

 

Samedi, un peu après minuit, le Conseil municipal  de Genève, a interrompu un débat entamé seize heures plus tôt sur le budget de la Ville. Laquelle Ville avait déployé un plan "grand froid", qu'on croit, naïvement, destiné aux sans-abri, aux précaires. Il l'est, mais pas seulement : les membres du Conseil municipal de la Ville en bénéficient aussi. Avec café-croissant et indemnités de repas gracieusement offerts par les gentils organisateurs. L'auteur de ces lignes, qui doit en être à son douzième débat budgétaire, à qui on a donc asséné au moins douze fois que cet exercice était le plus important et cet enjeu le plus décisif de toute l'année (alors qu'il en est surtout le plus long et le plus chiant) a deux attentes, une politique et une hédoniste : sortir de ce pensum bavard avec un budget et en sortir à une heure où les bistrots sont encore, ou déjà, ouverts. Avant minuit demain soir, ou après quatre heures après-demain matin. Nous n'en sommes sortis que mardi, à 0 heures 30. Les bistrots étaient fermés. Tant pis. Maintenant, le vrai travail politique, celui qui se traduit en propositions précises et ciblées,  peut commencer ensuite. Dès janvier. Avec ou sans la droite municipale. Avec elle si elle consent à faire son boulot. Sans elle sinon.

La droite parle pour ne pas voter, la gauche vote sans parler

Le débat budgétaire entamé samedi a donc continué hier et s'est achevé cette nuit, au Conseil municipal de la Ville de Genève. La droite municipale a tenté, sans autre effet que de faire perdre du temps à tout le monde, de submerger le Conseil d'amendements bricolés sur lesquels elle se sera épanchée pendant des heures, nous gratifiant au passage de quelques exposés cathartiques de ses obsessions sociétales et de quelques exorcismes de ce qu'elle perçoit comme le début de la fin de l'ordre social (la municipalisation progressive du secteur de la petite enfance, par exemple : "Vade Retro, Christinas !). L'exercice ne sert évidemment à rien d'autre qu'à retarder le moment du vote final, tout en procurant aux aux élues et aux élus (et à leurs partis) des jetons de présence. Beaucoup de jetons de présence. Pour beaucoup de séances. Dont la seule utile est la dernière, celle qui se clôt par le vote (ou le refus) du budget. Le seul vote qui importe. Le reste, c'est du bruit, de la posture. Du "encore une minute, Monsieur le Bourreau". Une minute, ou une heure, ou deux jours.

La droite parle, la gauche vote. Parce qu'elle veut doter la Ville d'un budget, et pas seulement les membres du Conseil municipal d'un surcroît de jetons de présence et d'indemnités de repas. Parce qu'elle veut que ce budget soit le plus proche possible, non du budget dont elle rêverait (rêver d'un budget serait un symptôme inquiétant de désordre mental), mais d'un budget capable d'assurer pendant un an le fonctionnement de la commune et l'octroi des allocations et des subventions à qui en a besoin. Un tel budget est un socle, sur lequel camper pour travailler pendant une année. Ce socle a forcément des faiblesses, des failles, mais on a un an pour les combler. Tel orchestre a besoin d'une subvention supplémentaire ? On la proposera une fois le budget adopté. Telle association active dans l'hébergement des sans-abri, la lutte contre la précarité a besoin d'un soutien supplémentaire de la Ville ? On le lui apportera. Après l'adoption d'un budget après deux jours de séances quand deux heures suffiraient. Un budget, d'ailleurs, n'est rien d'autre qu'une autorisation de dépenses fondée sur une hypothèse de recettes -ce n'est qu'au bout du compte et des comptes, plus d'un an après, qu'on pourra en évaluer la pertinence.

En outre, les débats budgétaires dans les communes genevoises sont réduits par le cadre légal à des chipotages comptables, au choix de la ligne qu'on va couper pour pouvoir en renforcer une autre. Les débats budgétaires en Ville de Genève n'échappent pas à cette malédiction. Pire, elle les étreint même plus méchamment encore, compte tenu du nombre de subventions et d'allocations diverses et variées que le budget municipal contient. Il en découle, assez logiquement, qu'il importe de sortir le plus vite possible (mais tout est relatif) de ce faux débat pour pouvoir en revenir aux vrais débats : ce qui justifie un budget public, c'est sa capacité à répondre aux besoins de la population. Le budget qui a été adopté cette nuit tente d'y répondre au mieux, mais il reste contraint  par un cadre cantonal que la commune ne peut modifier. A quoi s'ajoutent la menace d'un transfert de charges cantonales sur les communes, sans transfert ni de compétences ni de ressources, et les projets de la droite de priver les communes, à commencer par celle de Genève, d'une part considérable de ses ressources, en supprimant la taxe professionnelle et la part de l'impôt municipal payée par les contribuables travaillant en Ville sans y résider).

Il faut pourtant adresser un remerciement (mais un seul) à la droite municipale : en annonçant dès l'ouverture du débat qu'elle ne votera pas le budget de la Ville, elle nous a facilité  le traitement de ses amendements, en nous permettant de les évaluer à leur juste légitimité, puisque finalement elle-même les a repoussés en refusant le budget qui les contiendrait s'ils avaient été acceptés... La gauche aurait-elle du faire le travail de la droite en acceptant, de guerre lasse, des amendements mal foutus, mal compensés et mal défendus, que finalement la droite elle-même laissera tomber avec le budget ? On s'est contenté de faire le nôtre : doter la Ville d'un budget -puis, le compléter là où il doit l'être.

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