Fonds de tiroir

 Pierre Maudet avait déposé plainte contre l'experte vaudoise mandatée par le Conseil d'Etat genevois pour auditer (anonymement) son département, et qui avait rendu un audit ravageur. Le Ministère public vaudois a rendu une ordonnance de non-entrée en matière sur la plainte : il admet que l'experte aurait «vraisemblablement pu faire preuve de plus de psychologie et user de formes plus appropriées» (car finalement, c'est un grand sensible, Maudet), mais pour autant «aucune infraction pénale ne saurait être retenue contre elle». Comment ça ? Même pas pour lèse-majesté ? Ah ben quand ça veut pas, ça veut pas, hein...

Bon, on est en MMXXIII. Et y'a quoi, au menu, de MMXXIII, à part les rendez-vous politiques prévus sous nos cieux (des élections, des votations, tout ça) et deux ou trois trucs plus ou moins durables (une guerre en Ukraine, des connards de Dieu sévissant en Iran et en Afghanistan, le réchauffement climatique...) ? Que du lourd, de l'alléchant... D'abord, c'est l'année Picasso (pour les cinquante ans de sa mort). Vu le comportement du Pablo avec les femmes, faut s'attendre à quelques distances critiques -pas avec l'oeuvre, mais avec le bonhomme. Qui s'en fout, vu qu'il est mort. A part ça, du 16 au 20 janvier, à Davos, le pince-fesse politico-économico-mondain du Forum économique mondial se tiendra en «présentiel». Cela change-ra-t-il quoi que ce soit à ce qu'il fut lorsqu'il se tenait en ligne ? On n'en sait rien. Et à vrai dire, on s'en fout. Comme on se fout du couronnement de Charles III à Londres, le 6 mai. Et de la plus grande exposition canine au monde, qui se tiendra à Genève du 24 au 27 août. Entre Charles et Médor, du 25 au 30 juillet, à Delémont, se tiendra la 24ème édi-tion de la rencontre mondiale des Amis de la 2CV Citroën. On en attend 3000, de Deuches. On est d'acord, c'est pas très écolo, mais on a des nostalgies : celle-là, et celle du Solex, entre autres...  Plus sérieuse-ment, le 12 septembre, la Suisse célébrera les 175 ans de l'Etat fédéral moderne. En oubliant les 225 ans de la naissance de la Suisse comme Etat (pas fédéral) : la République Helvétique (il n'y avait pas d'Etat suisse avant)... Et le 28 octobre nous est annoncée une éclipse totale de lune. Une semaine après les élections fédérales -on hésite à trouver une signification à cette coïncidence.  Et un mois plus tard s'ouvrira la COP 28, la 28e Conférence de l'ONU sur les changements climatiques. Elle s'ouvrira où ? A Abu Dhabi. Mais on n'a pas la confirmation qu'elle sera ouverte par Pierre Maudet. Seule-ment l'impression que choisir un émirat du Golfe comme lieu de conférence mondiale pour pallier aux effets du réchauffement climatique, c'est à peu près aussi pertinent que choisir Moscou pour une conférence de paix. Ou Pekin pour célébrer les droits des Ouïgours. Ou le Qatar pour une coupe du monde de foot ? Ouais, aussi...

Le président de la Coupole mondiale du foot-pognon, la FIFA, pourra en rester président jusqu'en 2031 : Gianni Infantino a en effet obtenu de ses affidés de ne pas être obligé de rendre son tablier en 2027, grâce à un petit tour de passe-passe rigolo, consistant à ne pas tenir compte de ses trois premières années de présidence de 2016 à 2019 au prétexte qu'il avait été élu pour remplacer en cours de mandat l'illustre Sepp Blatter, contraint à la démission pour cause de déboires judiciaires. Cette petite magouille statutaire offre donc à Infantino trois années de rab présidentiel. A 3 millions d'euros de salaire annuel. Sans compter les petits-à-côtés. Grandeur du béné-volat, beauté du sport, tout ça...

A Lausanne, fin octobre, un élu UDC (le président de la section d'Yverdon), accompagné de deux autres personnes, a interrompu en y passant sur une enceinte un chant de résistance antifasciste, «Bella Ciao», une soirée d'information de mili-tants pour le climat de «Renovate Switzerland», les contraignant à changer de lieu de réunion et à poursuivre leur soirée ailleurs. L'udéciste a expliqué qu'il voulait «venger des milliers d'automobi-listes» que les actions de «Renovate Switzerland» immobilisaient. Ils ont sûrement été contents d'être ainsi vengés, les automobilistes embou-teillés.... A Genève, deux mois plus tard, lors d'un débat à l'Université, c'est une élue UDC (la Conseillère nationale Céline Amaudruz) qui a failli se faire entarter par des militants dénonçant ses positions «xénophobes, racistes, fascistes et sexistes». Le 9 novembre, un millier de personnes défilaient à Genève en commémoration de la fusillade de 1932, lorsque l'armée suisse tirait sur une manifestation antifasciste. La conclusion des interventions fut «Genève a été est restera antifasciste. On n'oublie pas et on continue le combat». Ouais, il faut le continuer. Mais il n'est pas interdit de le continuer intelligemment. Ni de se souvenir de ce qu'est, aujourd'hui, une Université: un lieu d'enseigne-ment, certes, mais aussi un lieu de débat. Et qu'en faire un lieu de débat le plus libre possible a été une conquête contre des pouvoirs (religieux ou politiques), dont les pouvoirs fascistes, qui entendaient bien la réduire à n'être qu'un lieu de reproduction des dogmes. Car si l'enseignement universitaire est, depuis toujours, déterminé par une autorité religieuse (avant la Révolution française) ou politique (depuis que l'Etat a pris des églises le contrôle des universités), le débat, lui, doit être le plus libre possible. Et que cela, c'est une conquête démocratique. Autrement dit : celles et ceux qui défendent des positions que nous combattons ont le droit de les défendre, dans un débat contradictoire où nous pouvons opposer nos positions à leurs positions. Or on voit mal comment on pourrait combattre des positions qu'on ne laisse pas être exprimées...  On combattrait quoi? le silence? l'absence ? Des fantômes ?



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