Fonds de tiroir

 Début novembre, le Tribunal de police de Genève a innocenté le journaliste Ian Hamel, correspon-dant du «Point» français en Suisse, de l'accusation de calomnie et de diffamation portée contre lui (plainte à l'appui) par Tariq Ramadan. Ian Hamel avait certes commis l'erreur factuelle d'attri-buer, dans un article de novembre 2018, à un rapport du Conseil d'Etat genevois la confirmation que «Tariq Ramadan a bien eu des relations sexuelles avec certaines de ses élèves âgées e 15 à 18 ans», alors que le rapport ne contient pas cette confirmation, mais le Tribunal estime que Ian Hamel pouvait «manifestement, de bonne foi, tenir pour vrais les propos qu'il a écrits, lesquels ressortent en substance du rapport». Il n'y a donc pas calomnie ni diffamation, mais erreur factuelle. Du coup, non seulement Ian Hamel n'est pas condamné, mais Tariq Ramadan l'est à lui payer 20'000 francs pour ses frais de défense (tout ça sous réserve, évidemment, d'un appel, puisque ce jugement est celui d'une première instance). Moralité : faut réfléchir avant d'actionner la justice, surtout quand on traîne suffisamment de casseroles pour équiper un bistrot.

En 2022, la Ville de Genève aura dû payer 5,2 millions de francs de plus que prévu pour sa consommation d'électricité, et elle s'attend à devoir payer sept millions de plus qu’initialement prévu pour 2023. La faute à quoi et à qui ? A quoi, c'est assez simple : à l'augmentation des tarifs de l'électricité sur le «marché libre», sur lequel la Ville avait fait en 2009 le choix de se fournir, parce qu'à l'époque les prix y étaient plus bas que sur le marché régulé. Seulement voilà, comme sur le marché «libre», ben les prix sont «libres» (les prix, pas les consommateurs...), ils ont explosé en raison de la guerre en Ukraine et de la spéculation : 167 % d'augmentation par les Service industriels (dont la Ville est actionnaire à 30 %) dans les dix derniers mois de 2021, ce qui avait déjà incité la Ville à signer en urgence, il y a un an, un contrat pour stabiliser les prix en 2022 à hauteur de 25,15 centimes le kilowatt/heure... mais fin 2022, il atteignait 80 centimes sur le marché libre...  En juin, la Ville avait signé un nouveau contrat pour un prix stabilisé de 40 à 50 centimes le kw/h en 2023. Alors, le choix du «marché libre», qui s'est révélé si coûteux, qui l'a fait ? Ben, une Municipalité de gauche qu'on ne savait pas si séduite par les beautés du «libre marché», et qu'on pensait plutôt attachée à la maîtrise des tarifs des biens et des services de première nécessité. Comme la fourniture d’électricité, justement. Bon, si les tarifs du «marché libre» étaient restés bas, personne ne lui aurait reproché quoi que ce soit, à la Municipalité de gauche. Manque de pot, ils ont explosé. Et la Ville, pas plus que les autres gros consommateurs qui ont fait le choix du «marché libre» en pensant qu'il serait avantageux, n'a pu revenir au marché régulé : le passage au «marché libre» est irréversible. C'est une liberté contrainte. Obligatoire. «Libre un jour, libre toujours, c'est un ordre !». Bon, ben on dira que c'est la faute à pas de chance si la Ville a déjà dû casquer plus de 10 millions de plus pour payer l'électricité de ses locaux. La faute à pas de chance et à Poutine. Mais on espère que l'épisode aura été formateur et que la gauche municipale genevoise, à la barre de la Ville depuis trente ans, arrivera à distinguer bâbord et tribord. Et à se souvenir que quand on met la barre à bâbord, on tourne à droite. Et inversément. 

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