Le Royaume Uni, ou qu'en faire ?

Vive les Républiques !

Le Prince Charles de Galles est devenu le Roi Charles III, son épouse Camilla Duchesse de Cornouailles. Jersey et Guarnesey restent disponibles. Sercq a déjà son Seigneur , Christopher Beaumont depuis 2016, héritant  ce titre de sa mère, la fameuse Dame de Sercq. La perspective de devenir roi est "horrible" et inexorable, a soupiré Charles Trois. Inexorable ? Il aurait pu refuser de le devenir, puisque l'un de prédécesseurs a renoncé à le rester... Et puis, pour le soulager, les Anglais pourraient instaurer une République (démocratique, contrairement à celle de Cromwell). Des centaines de milliers de sujets britanniques ont d'ailleurs acquis, depuis le Brexit, la citoyenneté d'une République (l'Irlande, l'Allemagne, la France). Il reste à l'Angleterre, l'Ecosse, le Pays de Galles de devenir elles et lui aussi des républiques... L'Irlande du nord y semble prête, par sa réunification avec la République d'Irlande. L'Ecosse, elle, hésite encore à exiger son indépendance, mais ses partisans et ceux du maintien de l'Union sont au coude-à-coude (quoiqu’en Ecosse, on puisse être à la fois indépendantiste et royaliste...). Quant aux Gallois, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir s'émanciper de la tutelle de Londres. Charles III n'a pas encore été couronné qu'on se demande de qui et de quoi il sera le roi : si Elizabeth II a eu droit à des obsèques en grande pompe, on se demande si elles ne présagent pas de futures obsèques de la monarchie britannique -du moins telle qu'elle fut sous son règne.

Connolly, plutôt que Cromwell

Des centaines de milliers de sujets britanniques ont entamé et fait aboutir, depuis le Brexit, les démarches leur permettant d'obtenir la citoyenneté d'un Etat de l'Union Européenne en utilisant les dispositions de lois qui, dans ces Etats, permettent aux descendants de leurs ressortissants d'en devenir eux-mêmes ressortissants, dans certains cas historiquement et généalogiquement déterminés, ou de récupérer une nationalité dont ils avaient été privés : ainsi des Britanniques d'origine allemande et juive, déchus de leur nationalité par les nazis. La loi allemande permet même, désormais, aux descendants d'Allemands persécutés pour leur "race" de devenir allemands sans l'avoir jamais été. En 2019, juste avant la rupture avec l'UE, 14'600 Britanniques sont redevenus allemands (sans cesser pour autant d'être britanniques), et chaque année depuis, entre 4000 et 5000 autres le sont redevenus, ou devenus s'ils ne l'étaient pas. C'est cependant la nationalité irlandaise qui a eu le plus de succès : la loi irlandaise permet à tout.e descendant .e d'Irlandais.e de le devenir soi même ou elle-même. John Le Carré avait une grand-mère irlandaise, il a acquis la nationalité irlandaise après le Brexit. En 2019, 121'000 passeports irlandaise ont été délivrés par l'ambassade à Londres, et 58'000 en 2020, des dizaines de milliers encore depuis. Ces sujets d'un royaume sont ainsi devenus citoyens d'une République (émancipée par les armes dudit royaume). Les autres Etats de l'Union Européenne ont aussi accordé leur nationalité à des Britanniques, à des conditions déterminées par leurs propres législations : la France en a ainsi naturalisé 3146 en 2020 (et continue d'en naturaliser). Ainsi, le Brexit a fait découvrir à des centaines de milliers de Britanniques, choisissant de devenir européens parce que le Royaume-Uni cessait de l'être, que la citoyenneté européenne constituait une avancée considérable, comme la libre circulation qu'elle permet. D'ailleurs, 56 % de Britanniques, selon un sondage de l'été 2022, regrettaient le Brexit, alors qu'ils n'avaient été que 48 % à s'y opposer lors du référendum.

En Irlande du nord, Sinn Féin avait, dans l'"accord du Vendredi-Saint" de 1998, concédé le maintien de la tutelle britannique aussi longtemps qu'une majorité d'électeurs ne se seraient pas prononcés pour la réunification avec la République. Cette majorité indispensable restait du domaine de l'hypothèse optimiste... jusqu'au Brexit. L'objectif historique de Sinn Féin, au nord comme au sud, reste bien la réunification, mais c'est sa capacité à agréger un programme social et économique à cet objectif qui lui a permis de devenir le premier parti d'Irlande, division entre la province  du Royaume-Uni et la République indépendante surmontée par le parti lui-même : aucune autre formation politique européenne n'est le premier parti de deux côtés d'une frontière...  et aucune formation nationaliste n'a réussi ce que veut, et peut, réussir Sinn Féin en Irlande (du nord et du sud) : changer les frontières de deux pays d'Europe occidentale à la fois, le Brexit et l'évolution démographique (les protestants unionistes sont en passe de devenir minoritaires, s'ils ne le sont pas déjà) aidant.

Enfin, dans les possessions britanniques d'outre mer aussi l'aspiration à la République progresse, et la disparition d'Elizabeth II l'a fait mieux entendre -en même temps que la demande d'excuses pour les crimes de la colonisation, et la colonisation elle-même. Les Premiers ministres d'Antigua-et-Barboda et des Bahamas ont annoncé un référendum sur la République, celui de la Jamaïque a annoncé sa volonté de "tourner la page" britannique, la constitution de la Barbade a été modifiée pour retirer à la Reine et donc au Roi lui succédant leur statut de chef.fe d'Etat, le Belize a annoncé qu'il allait en faire autant et le prince Edward a dû annuler une visite à la Grenade après des manifestations républicaines.  Sur les 54 Etats du Commonwealth, il n'y en a déjà plus que quinze qui restent sujets de la Couronne. Et 17 ont carrément abandonné la monarchie pour la République. Ailleurs, une majorité de Canadiens se disent prêts à l'abolition de la monarchie, que réclament près des trois quarts des Québecois. En Australie, le Premier ministre est républicain et le gouvernement comprend un vice-ministre de la République. Et la Première ministre (démissionnaire pour raisons personnelles) de Nouvelle-Zélande est convaincue que son pays deviendra, de son vivant une République...

Plongée dans une crise née du Brexit et aggravée par les politiques conservatrices, le Royaume Uni devra forcément changer. Vers moins de royauté et moins d'unité. Vers des républiques anglaise, écossaise, galloise, et le départ de l'Irlande du nord vers la République d'Irlande ? On n'en est pas encore là. Pas tout à fait. D'autant que le clivage entre monarchistes et républicains ne reproduit pas le clivage gauche-droite, et ne l'a jamais vraiment reproduit : le Premier ministre travailliste de l'après-guerre, Clement Attlee, assurait n'avoir "jamais été républicain" et ne vooir "aucun intérêt à remplacer un roi bourgeois par un président bourgeois". Et par un président travailliste non plus ? L'Irlandais James Connolly lui aurait pu lui répondre comme il aurait fallu, s'il n'avait été fusillé par les Britanniques après l'insurrection de Pâques 1916 : syndicaliste, socialiste, Connolly était aussi républicain, fondateur de l'Irish Republicain Socialist Party. Et c'est sans doute de lui que le Sinn Féin d'aujourd'hui est l'héritier. Il ne lui manque que des héritiers anglais : après tout, il n'est nulle fatalité à ce que le projet républicain ne se soit jamais incarné en Angleterre que par un Cromwell...

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