Invalidation d'une initiative pour la gratuité des transports publics
In dubio pro statu quo ?
Le Conseil d'Etat genevois (de gauche) a, comme avant lui le Conseil d'Etat fribourgeois (de droite), mais pas les Conseils d'Etat vaudois et neuchâtelois, invalidé une initiative populaire pour la gratuité des transports publics, lancée )et aboutie) l'année dernière par les jeunesses socialiste, verte, de solidaritéS et du Parti du Travail. A Fribourg, cette invalidation a fait l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral -on ne saurait trop conseiller aux initiants genevois d'en déposer également un, comme nous l'avions fait lorsque le Conseil d'Etat genevois (de droite, à l'époque) avait invalidé notre initiative populaire pour sauver le cinéma "Le Plaza" menacé de démolition (et qui a été finalement été sauvé). Le gouvernement genevois (de gauche) s'appuie sur un article de la Constitution fédérale (l'article 81a, datant de 2014) stipulant que les usagers des transports publics doivent couvrir "une part appropriée" de leurs coûts -mais ne précisant pas comment : par la billetterie ou l'impôt ? Et si on fixe le prix de l'abonnement à dix balles et le prix du billet du billet à quatre sous, sera-ce une part "appropriée" ? Des gouvernements cantonaux (de gauche ou de droite) s’assoient ainsi pesamment sur un principe du droit en démocratie : le doute doit profiter au peuple. Et passent du "in dubio pro populo" à un trivial "in dubio pro statu quo". Bon, l'initiative populaire "pour des transports publics gratuits, écologiques et de qualité" est invalidée ? On s'en fout, l'initiative personnelle est invalidable ! Vous pouvez télécharger ici votre carte de transports publics gratuits sur le réseau genevois : https://www.fichier-pdf.fr/2023/02/16/cartetpg-vierge/ Vous y collez votre photo, vous mettez votre nom, et en voiture Simone !
A Zurich, à Fribourg, à Neuchâtel, dans le canton
de Vaud, des initiatives populaires ou parlementaires lancées
par la gauche (la Jeunesse socialiste à Zurich, la gauche de la
gauche dans le canton de Vaud, les jeunesses des partis de gauche à Genève, le PS à Fribourg) ont porté la
revendication de la gratuité des transports publics, pour tout
ou partie de la population, sur le territoire cantonal ou celui
de la ville-centre. Hors de Suisse, le
Luxembourg a instauré la gratuité des transports publics le 1er
mars 2020, en expliquant qu'elle aurait notamment pour effet
d'accroître le pouvoir d'achat des personnes à faible revenu. En
France, sept villes ont fait le choix de la gratuité. A
Dunkerque, après l'instauration de la gratuité, la fréquentation
des transports publics a augmenté sur l'année de 85,5 %,
et de 120 % les week-ends. Et le trafic automobile a diminué de
7 % au centre-ville. En Allemagne, la quasi-gratuité des transports
pendant trois mois (avec un ticket à neuf euros par mois) sur
l'ensemble du territoire de l'Etat fédéral, a eu un tel succès
(l'expérience s'est achevée le 31 août. avec près de 40 millions
de vendus) ,"fulminant", selon le ministre fédéral des
transports, que la demande a dépassé l'offre, et a montré les
limites du réseau : les trains étaient bondés...ce qui a incité les décideurs à
étudier les remèdes possibles à ces faiblesses (les syndicats
demandent l'embauche de personnel supplémentaire et
l'amélioration des conditions de travail) et à cette complexité
(la création d'un billet national simple et unique est
envisagée), et à prolonger l'expérience avec de nouvelles
offres, avec un billet annuel régional à 365 euros ou mensuel à
29 euros (ou 49 euros pour l'ensemble du réseau allemand). On
n'en serait pas encore à la gratuité, mais avec un tarif d'un
euro ou deux euros par jour, on s'en approcherait.
A Genève, comme dans les autres grandes villes suisses, les
tarifs sont fixés au sein d'une communauté tarifaire. Il ne
peuvent donc pas être modifiés par la commune seule, ni par le
canton seul. En revanche, il est possible à la commune (ou au
canton) d'instaurer la gratuité dans tout ou partie de la
première zone de la communauté tarifaire (Unireso, à Genève) en
assurant aux TPG une compensation financière équivalant à la
perte de billetterie qu'entraînerait l'instauration de la
gratuité des TPG sur un territoire donné (une ou plusieurs communes)
ou, en prenant en charge l'abonnement général de toute
personne détentrice d'une Carte d'Habitant communale. A Zurich, le Conseil d'Etat a calculé
que la gratuité ferait perdre aux entreprises de transports publics,
si elle était
instaurée dans tout le canton, 314
millions par an en perte de billetterie. mais dans un canton de près d'un million et demi
d'habitants. Dans
le canton de Vaud (800'000 habitants), la billetterie des transports
publics rapporte 200 millions par an mais ne couvre que 35% du coût
des transports publics. Ces chiffres sont à indexer à la population de Genève (ville ou canton) et au coût de
l'abonnement général.
- d'étudier l'instauration de la gratuité de l'usage des transports publics genevois sur le territoire de la Ville de Genève et les modalités de compensation des pertes de billetterie que cela entraînerait pour les TPG et d'en évaluer le coût pour la Ville (en tenant compte des économies réalisables par les TPG du fait de la réduction des installations de billetterie, du personnel de contrôle et des frais administratifs de contentieux) et les moyens d'en assurer la couverture financière ;
- d'entamer avec les autres communes genevoises disposées à participer à l'extension de la gratuité des TPG sur leur territoire des discussions pour, si faire se peut, qu'une proposition commune soit faite aux TPG et au canton.
Le Conseil municipal ne s'est pas encore prononcé sur la motion, la commission des finances y est opposée, mais peu importe : Nous
sommes (et resterons) partisans de la gratuité des transports publics en
zone urbaine et périurbaine. Nous en sommes partisans, et praticiens,
pour
des raisons sociales (libérer les usagers les moins argentés
de la charge du paiement du transport), environnementales
(accélérer le transfert modal du transport automobile
individuel vers les transports publics) et rationnelles :
économiser la charge de toute l'instrumentation de
perception du prix du transport par les usagers, de tout le
personnel de contrôle de l'acquis de ce prix, de toutes les
procédures de recouvrement de ce prix quand il n'a pas été
payé, voire de punition de son non paiement (un jour-amende à
Champ-Dollon coûte au moins 600 francs à la collectivité). A ces
raisons
s'en ajoute une de principe : plusieurs milliers de
personnes, bénéficient déjà,
de facto, de la gratuité de l'usage des TPG grâce la prise
en charge de leurs abonnements par une collectivité
publique, une entreprise publique ou une entreprise privée.
D'entre ces personnes... les Conseillères et Conseillers
municipaux de la Ville, les députés au Grand Conseil, les
Conseillers d'Etat... toutes celles et ceux qui, majoritairement,
refusent la gratuité des transports publics pour les autres tout en se
l'accordant à eux-mêmes... à qui il n'est donc finalement
proposé que d'accorder à tous les autres ce qui, en bon
français,
s'appelle un privilège.
Qu'on espère bien voir abolir avant la nuit du 4 août.
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