"Pour une Ville encore capable de parler à ses habitants"
"Pour une Ville encore capable de parler à ses habitants"
On a parlé au Conseil municipal de la Ville de Genève, du rapport entre les services publics communaux et la population de la commune. On y en a parlé parce que ce Conseil est le délibératif communal (et qu'il parle beaucoup) mais aussi parce qu' en Suisse, en tout cas lorsqu'il s'agit de villes, et en tout cas lorsqu'il s'agit de Genève, la commune, la Ville, est le niveau institutionnel qui a le mieux garanti la permanence de services publics en ces temps de privatisations et de sous-traitances triomphantes ou sournoises. C'est par les services qu’elle rend que se justifie la commune. Et on parle bien ici de services publics, parce que seuls des services publics peuvent fournir un service au public sans en attendre de tirer profit. Nous attendons de la commune ce qu’elle seule peut offrir sans appareil de contrainte -ce que les vieux socialistes résumaient en une formule : «passer du gouvernement des hommes à l’administration des choses». Encore faut-il que les "hommes" (les humains...) n'y soient pas remplacés par des choses -or c'est bien le risque qu'un développement de l'administration virtuelle fait courir, quand il remplace le contact réel par un contact virtuel au lieu que de le lui adjoindre.
Une ville, c'est plus qu'un écran de smartphone...
Par définition, la commune est le service public
en actes : n’étant pas fauteuse de lois, sa seule légitimité
politique est celle de la mise à disposition de services, de la
concrétisation de droits fondamentaux, de la matérialisation des
promesses politiques d'être "au service de la population" -à
commencer par celle qui a besoin de ses services parce qu'elle
n'a pas les moyens de s'en passer. La commune est le service
public, parce qu’elle n’est rien d’autre –sauf à se nier en tant
que commune.
Reste que ce service public doit être accessible au public, à tout le public. Or le développement de l'administration par internet porte en lui le risque d'un renoncement aux possibilités de s'adresser aux services de la Ville, aux administrations et aux institutions municipales en s'adressant à de vraies personnes, et pas à des écrans d'ordinateurs ou de téléphones portables. L'e-administration était, au départ, une offre supplémentaire aux habitants d'accès aux services publics, elle risque aujourd'hui de substituer un accès informatique à un accès physique, et donc de réduire les possibilités offertes aux habitantes et habitants de s'adresser à des personnes vivantes et présentes. Cette réduction des possibilités de contact entre la population et les services et employés de la Ville handicape particulièrement la part de la population éloignée de l'écrit et éloignée ou rétive à l'informatique. Elle affaiblit le lien social, qui est par définition un lien entre individus, non entre machines. Elle éloigne l'une de l'autre la commune et sa population en réduisant la première à un écran d'ordinateur.
Il nous est donc paru urgent de remettre en cause
une évolution qui aboutit à remplacer les contacts humains et
sociaux par des échanges d'algorithmes, et nous avons déposé une
motion au Conseil municipal, demandant de ne pas réduire les
possibilités offertes aux habitantes et habitants, sans
distinction d'âge, de formation, d'état physique, de langue, de
maîtrise de la lecture et de l'informatique, de s'adresser
oralement aux services de la Ville, aux administrations et
institutions municipales, de les questionner et obtenir d'eux
des réponses et des accès à des prestations. Nous demandons à la
Ville de ne pas sacrifier ces possibilités au développement de
l'e-administration, et donc, pour le moins, de maintenir les
permanences téléphoniques et les guichets présentiels. La
majorité du Conseil municipal (la droite et les Verts, contre la
gauche) a refusé de voter cette motion «sur le siège», mercredi,
et l'a renvoyée sans débat en commission (en tordant au passage
le règlement du Conseil qui impose un débat de préconsultation).
On ne demande pas grand'chose à la Municipalité,
juste de nous dire si elle veut, comme nous l'attendons d'elle,
continuer à offrir à ses habitants la possibilité d'avoir en
face d'eux, quand ils s'adressent à elle, quelqu'un, et pas
quelque chose... Dire qu'une ville, c'est tout de même un peu
plus qu'un écran de smartphone ou d'ordinateur...
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