La réforme Macron-Borne des retraites validée et promulguée

 

Pas seulement de la colère...

La réforme Macron-Borne des retraites ayant été validée, à quelques détails près, par le Conseil Constitutionnel vendredi dernier, elle a été promulguée dans la foulée par le président. Qui hier soir, dans une courte allocution télévisée, essayait de tirer un trait sur trois mois de contestation et d'opposition au parlement et dans la rue et douze journées de mobilisations dans la rue et les entreprises à l'initiative d'une intersyndicale faisant (enfin...) renaître une unité d'action perdue. Exercice présidentiel fort peu convainquant (la Secrétaire générale de la CGT ironisait sur un discours qu'on pouvait croire "écrit par ChatGPT"). Macron veut "apaiser" des colères qu'il dit comprendre mais qu'il n'admet pas avoir suscitées lui-même. "La réponse ne peut être ni dans l'immobilisme, ni dans l'extrémisme" dit-il. Dans quoi, alors ? Et la réponse à quoi ? A de la colère, seulement de la colère ? Il ne semble pas reconnaître qu'il y a dans l'opposition à sa réforme et à sa méthode autre chose que de la colère, qu'il y a quelque chose comme une autre conception que la sienne de l'action politique, de la démocratie, de la république.

Les "100 jours", ça a pu mener à Sainte-Hélène...

Le 20 mars, la Première ministre Elisabeth Borne échappait, pour neuf voix, à une motion de censure. Elle était la réponse, constitutionnelle, à l'usage, constitutionnel, du fameux article 49.3 qui permet de faire passer un texte sans le soumettre au vote du parlement. Tout était légal, donc. Mais habile, certainement pas. Et, pour certains, politiquement et socialement illégitime. Les journées de mobilisation se sont succédées, les manifestations étaient, de plus en plus souvent accompagnées de violences, le nombre de manifestants variait, une fois à la hausse, la fois suivante à la baisse, mais restait considérable. Et l'opinion publique restait massivement opposée à la "réforme" Macron-Borne, ce qui aurait rendu possible, pour la première fois, l'aboutissement d'un "référendum d'initiative partagée", si le Conseil constitutionnel l'avait laissé  lancer : il fallait près de cinq millions de signatures... Tout a donc été fait dans les formes. Dans la légalité. Est-ce que cela suffit, comme légitimation ? Certainement pas.

Hier, Macron a reconnu dans son allocution télévisée que sa réforme n'était "à l'évidence", pas acceptée par la majorité des Françaises et des Français, et qu'un consensus n'avait pu être trouvé. C'était reconnaître une évidence sans en reconnaître les causes, ni admettre que, désormais, les raisons de la colère populaire (que Macron a reconnu aussi) étaient moins à trouver dans le contenu de la réforme elle-même que dans la méthode utilisée pour l'imposer. Et qu'on manifestait moins, depuis deux semaines, contre le report de l'âge de la retraite que contre un déficit flagrant de démocratie.

La France n'est ni en feu, ni paralysée, ni seulement en colère, mais en crise politique. Et ce ne sont pas les discours quasiment vichystes du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, , s'en prenant à la Ligue des droits de l'Homme après qu'elle ait dénoncé les violences policières et accusant la NUPES (France Insoumise, PS, PC, Verts) de "terrorisme intellectuel", de "tirer dans le dos des policiers" et d'être complice des islamistes (la "juiverie internationale" étant quelque peu passée de mode)., qui vont offrir quelque "sortie de crise" que ce soit. Pendant quoi, qui en bénéficie de cette crise ? le Rassemblement national... selon un sondage de la fondation Jean Jaurès, le RN aurait gagné dix points de bonnes opinions, récolterait 26 % des intentions de vote si une élection avait lieu, et serait perçu, contrairement à la fois au gouvernement et à la NUPES, comme ouvert au compromis. 

Le refus obstiné du pouvoir (le président, le gouvernement, le Conseil constitutionnel) de "geler", de "suspendre", de mettre en "pause" la réforme des retraites, malgré la mobilisation syndicale, renvoie à la facilité avec laquelle il avait cédé aux "gilets jaunes", qui avaient obtenu 17 milliards après de violentes émeutes, alors que la mobilisation pacifique, et bien plus considérable en nombre de participants, des syndicats n'a rien obtenu. Si le mouvement social d'opposition à la réforme, gonflé de toutes les oppositions possibles à tout ce que symbolise, à tort ou à raison, le pouvoir en place, échappe aux syndicats, on sera seulement passé des gilets jaunes aux gilets rouges (et noirs).

Pour tenter de passer à autre chose, sans grand espoir d'y arriver (la prochaine mobilisation intersyndicale est programmée : c'est le 1er mai...), Macron s'est donné "100 jours" pour ouvrir trois chantiers (le travail, la justice et l'"ordre républicain et démocratique", les services publics). Il devrait se méfier : les "100 jours", ça a pu mener à Sainte-Hélène...

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