Un écosystème (politique) menacé : le marais

I

Il y avait grande concurrence, et même encombrement, lors de l'élection du Grand Conseil genevois et du premier tour de celle du Conseil d'Etat dans les pêcheries aux suffrages de ce qu'il est convenu (par ceux qui s'en disent) de nommer le "Centre", et à quoi on devrait plutôt redonner le nom que les forces et les groupes politiques se proclamant "ni de gauche, ni de droite" portaient lorsque naissaient précisément la gauche et la droite -ce nom, c'est celui de Marais. Un écosystème tout à fait particulier, géographiquement et environnementalement, dont les particularités font métaphore politique : le marais, c'est une nappe d'eau peu profonde, stagnante et envahie par une végétation spécifique : roseaux, joncs, nénuphars... le Marais, c'était, à la Convention, ce qui séparait ceux qui voulaient continuer la Révolution (la gauche) de ceux qui voulaient l'effacer. C'était l'écosystème politique de ceux qui, oscillant d'un côté ou de l'autre suivant les rapports de force politique, avaient pour objectif premier et ultime de survivre. Ils ont d'ailleurs survécu : entrés dans les assemblées sous la monarchie constitutionnelle, ils y sont restés sous la République, se sont planqués pendant la Terreur, ont réapparu sous le Directoire, on prospéré sous le Consulat et l'Empire, et sont morts paisiblement, et riches, dans leur lit sous la Restauration. Tirez de cette mémoire les parallèles qui vous paraissent s'imposer après le premier tour des élections genevoises...

C'est une bonne définition du "Centre" que celle d'un "parti de gouvernement" : il n'est que cela

Dans un appel à voter pour sa candidate, Delphine Bachmann, et la liste de la droite élargie à l'extrême-droite, le président du "Centre" genevois, Jacques Blondin, nous prie de considérer le gouvernement qui en sortirait comme un "gouvernement de centre-droit", alors que les appels à former cette liste la qualifiaient clairement (et justement) de liste de droite (élargie, mais sur sa droite...). Le président du "Centre" définit son parti comme un "parti de culture de gouvernement". Et le vice-président du parti suisse, le Jurassien Charles Juillard, résume l'enjeu genevois : "il faut que le "Centre" s'allie à toutes les formations de droite, Maudet compris, parce que "c'est la seule manière de maintenir notre siège et d'avoir une majorité de droite". Pas du "centre", ou du "centre-droit", ou de "centre-gauche" : de droite. Et c'est une bonne définition du "Centre" que celle d'un "parti de gouvernement" : il n'est plus que cela, l'ex-PDC, un parti de gouvernement. De n'importe quel gouvernement, pour mener n'importe quelle politique. Hors du gouvernement, il n'est rien. A l'élection du Grand Conseil, il a fait son plus mauvais score depuis la fin du siècle dernier, a perdu trois sièges et s'est retrouvé à moins d'un point de l'exclusion pure et simple du parlement cantonal (en Ville, il est même tombé en dessous du quorum). Il a reculé dans presque toutes les communes, y compris dans ses fiefs (catholiques) historiques. Il était pourtant représenté au Conseil d'Etat, mais les caciques du parti, les Maitre et autres Desfayes ont préféré instruire avec la droite de la droite et son Journaliste préféré le procès en trahison de Serge Dal Busco, Judas coupable de vouloir appliquer la loi cantonale pour une politique cohérente et équilibrée plutôt que se soumettre aux ukazes du TCS, de l'ACS, du MCG, de l'UDC et de GHI.

Sans doute la concurrence était-elle forte dans les tentatives de séduction d'un électorat "centriste", avec, outre le parti se revendiquant de ce "centre" introuvable", les Verts libéraux , les maudétistes et les caribous radicaux, mais elle n'explique pas la rétraction électorale constante du PDC-Le Centre depuis trente ans (de 12,6 % des suffrages en 1993 à 7,9 % cette année). Et on voit mal comment la droitisation du parti pourrait l'enrayer : après tout, s'il a sauvé son siège au Conseil administratif de la Ville, ce n'est pas en s'alliant avec la droite -au contraire, c'est en s'en émancipant... Evincé du second tour de l'élection du Conseil d'Etat, le candidat du Cen tre Xavier Magnin considère que son parti doit "retourner à (ses)fondamentaux et à (ses) valeurs"... Certes, mais quels sont ils et quelles sont elles ? les quotas rhétorique de ses discours (la famille, la "classe moyenne"...) ou les projets de la droite libérale ? Le président du Centre se demande si l'abandon de l'étiquette "démocrate-chrétienne" n'aurait pas joué un rôle dans la réduction du "Centre" à la marge de la droite... il est vrai que "démocrate" et"chrétien", et les deux qualificatifs accolés, ont au moins un contenu politique et historique formant référence... mais il est vrai aussi que le recul du "Centre" a commencé alors qu'il était encore le PDC...

Amputé, raboté et penaud, défait à l'élection du Grand Conseil, le "Centre" cantonal s'est rallié au conglomérat de l'"Alliance" du PLR avec l'UDC et du MCG. Ils n'ont pas été nombreux, elles n'ont pas été nombreuses, celles et ceux qui préféraient prendre le risque de perdre le siège du parti au Conseil d'Etat à celui de passer pour un parti prêt à tout pour le garder -d'autant que l'alliance passée avec la droite de la droite, ni même celle reconduite avec le PLR, n'offre de grandes garanties du maintien d'un "Centre" droitisé dans un Conseil d'Etat plus droitisé encore. 

Et nous voilà revenu dans le vieil écosystème marécageux. Celui d'une eau stagnante, douce ou plus ou moins salée, chargée d'éléments en décomposition et moins propice à la vie qu'aux flatulences, nous susurre Wikipedia "Ces conditions anoxiques sont propices à la formation de méthane par dégradation des glucides et d'hydrogène sulfuré par réduction du soufre qui confère au gaz des marais sa puanteur. Notre odorat est très sensible à ces gaz, l'hydrogène sulfuré devient nocif à partir du moment où sa concentration dans l'air est telle que le nerf olfactif est endormi, c’est-à-dire que si en progressant dans un marais l'odeur d’œuf pourri disparaît il est plus probable que loin d'avoir disparu, le gaz est en concentration suffisante pour avoir endormi l'odorat et donc qu'il devient nocif, en concentration modérée il provoque un engourdissement qui peut être la source d'accidents de la route par la suite : il vaut mieux dès lors quitter l'endroit".






Commentaires

Articles les plus consultés