Combien le naufrage du Crédit Suisse a-t-il coûté aux caisses de retraite ? Inquiétudes...

 

Lors de la dernière session ordinaire du Conseil municipal de Genève, nous nous étions enquis, par une question orale au Conseil administratif, de l'impact du naufrage du Crédit Suisse sur la Caisse de retraite du personnel de la Ville (et des communes ainsi que des Services Industriels), la CAP. Nous demandions notamment si la CAP détenait, directement ou indirectement, par un fonds de placement, des actions du Crédit Suisse et, le cas échéant, combien la chute de la valeur de ces actions lui avait coûté. Il nous avait été répondu, en substance, que la CAP ne faisait appel au Crédit Suisse que par le biais de fonds de placement dans le domaine de l'immobilier, et ces fonds, structures juridiques autonomes, n'ont pas été affectés par la chute de la valeur des actions du Crédit Suisse. Nous avions pris acte de cette réponse rassurante, mais des employés de la Ville, cotisants en tant que tels à la CAP,  ont fait état de leur inquiétude persistante, et de leur doute sur l'hypothèse que la CAP pourrait être quasiment la seule caisse de pension à n'avoir pas souffert des errances du Crédit Suisse, puisque quasiment la seule à ne détenir aucun paquet d'actions suisses au sein duquel figureraient des actions du Crédit Suisse. Alors, on a reposé la question, sous forme écrite cette fois, et en la détaillant.

"transparence, durabilité, efficience, intégrité"

Comme toutes les caisses de retraite, publiques ou privées, celle du personnel de la Ville de Genève, des communes genevoises et des Services industriels de Genève, la CAP détient des paquets d'actions (suisses et étrangères). La part des actions du Crédit Suisse dans les paquets d'actions suisses se situant autour de 2 % (en prenant la capitalisation boursière comme critère) et la CAP détenant un paquet d'action suisses (pour 1,053 milliard de francs au bilan 2021), elle pourrait détenir des actions du CS pour 2 % de ce paquet d'action, soit 250 millions de francs). La fondation Ethos, qui représentait les caisses de pension lors de l'Assemblée générale des actionnaires du Crédit Suisse, y représentait à ce titre la CAP (comme d'ailleurs son homologue cantonale, la CPEG), ce qui semble bien confirmer que la CAP était bien actionnaire du CS, et donc, comme tous les autres actionnaires, l'une des victimes de son naufrage. Le rapport 2021 de la CAP, confirme que "CAP Prévoyance fait partie d’« Ethos Engagement PoolSuisse » qui regroupe près de 159 caisses de pensions suisses pour un total de plus de CHF 300 milliards de fortune", et donne les informations suivantes sur le rendement de son paquet d'actions en 2021 : "Les actions ont généré des performances particulièrement positives. Les actions suisses ont connu une hausse de +23.50% dans leur ensemble, les actions suisses de petites et moyennes capitalisations +20.30%".

La CAP proclame investir "de manière responsable, avec une vision à long terme, en intégrant des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance d’entreprise (critères dits « ESG ») dans sa gestion du patrimoine, afin de contribuer à une économie durable susceptible d’accroître la valeur du capital, sur une base de risques ajustés". Les doutes sur la "bonne gouvernance" du CS régnant depuis une bonne dizaine d'années, on peut s'interroger sur la cohérence entre la proclamation du respect des "critères ESG" par la CAP et, le cas échéant, le présence d'actions du CS dans le paquet d'actions détenues par la CAP. CAP Prévoyance a adopté une charte d’investissement "socialement responsable" qui prévoit notamment la mise en avant des valeurs de "transparence, durabilité, efficience, intégrité", ainsi que "l’intégration des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la gestion des actifs mobiliers et immobiliers", un engagement  contre le réchauffement climatique "en contribuant à la transition énergétique et, notamment, à la réduction des émissions de carbone", et l'exclusion d'investissements dans des titres de sociétés " qui génèrent une part significative de leur chiffre d’affaire (plus de 5%)" dans des domaines tels que  "l’extraction et l’utilisation du charbon, la spéculation financière sur les matières premières cotées,  les énergies fossiles dont l’extraction est controversée, l’énergie nucléaire". Or le Crédit Suisse a investi des fonds dans tous ces domaines, et a été pour cela clairement mis en cause par les plus grandes organisations environnementales.

Nous souhaitons donc obtenir des réponses à quelques unes des questions auxquelles nous n'avons pas trouvé de réponse sur le site internet de la CAP elle-même (https://www.cap-prevoyance.ch/)

Ces questions sont les suivantes :

- à partir de quand la déficience (pour dire le moins) de la gestion des risques par le Crédit Suisse est-elle apparue dangereuse à la CAP ? Nous rappelons en effet que les premières alertes sur la situation et les pratiques du CS datent du tout début 2021...

- De quelles informations les gestionnaires de la CAP et la fondation Ethos disposaient-ils sur la situation réelle du Crédit Suisse, et quelles mesures ont-ils prise ou auraient pu prendre en fonction de ces informations ?

- la CAP peut-elle transmettre à la Commission des Finances du Conseil municipal des chiffres précis, et les documents en attestant, sur les paquets d'actions suisses qu'elle détient, la composition de ces paquets et  la part qui serait celle des actions du Crédit Suisse, et les éventuelles pertes qu'elle aurait subies du fait de la chute des cours des actions du CS, ou sur l'absence de telles pertes ?

- Quelles garanties la CAP a-t-elle donné, ou peut-elle donner, du respect de sa charte d’investissement "socialement responsable" s'il s'avérait qu'elle détenait, directement ou indirectement, des actions d'une banque investissant précisément dans les domaines que cette charte exclut ?

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