Offensive de la droite et du lobby immobilier contre le droit du bail

Indigeste salami

Etape par étape, "tranche de salami" après "tranche de salami" comme le résume Carlo Sommaruga, les milieux immobiliers et leurs commis politiques tentent de vider le droit de bail des dispositions les plus gênantes (pour eux) de protection des locataires.  Deux référendums lancés par l'Asloca ayant largement abouti, on pourra bloquer dans les urnes, cet automne, les deux premières offensives des propriétaires et des régisseurs. Mais la troisième offensive du lobby immobilier est déjà lancée avec deux nouvelles propositions facilitant les augmentations de loyers et réduisant les possibilités de les contester. Si ces propositions devaient être adoptées par le parlement fédéral (c'est-à-dire sa majorité de droite), deux nouveaux référendums seraient lancés. En attendant quoi, il nous faut nous mobiliser pour que les deux premiers se traduisent, dans les urnes automnales, par une victoire des locataires. Et se préparer à nous mobiliser pour faire aboutir largement les référendums suivants.

"Des logements pour les gens, pas pour faire de l'argent"

La nouvelle bataille du droit du bail, c'est-à-dire des droits des locataires, est engagée : la droite du parlement fédéral présente plusieurs textes (et le parlement en a déjà adopté deux, contre lesquels un double référendum a été lancé et a doublement abouti) pour affaiblir les protections de ces droits. La droite avait accepté une initiative parlementaire UDC autorisant le bailleur à refuser une sous-location de plus de deux ans, et une initiative parlementaire PLR qui affaiblit les conditions auxquelles un propriétaire peut récupérer son bien (autrement dit, virer un locataire) pour son "besoin propre" -ce sont ces deux propositions qui vont être soumises au vote populaire, après l'aboutissement du double référendum de l'Asloca. Ensuite, le combat va porter sur l'assainissement énergétique des immeubles : qui va en payer la facture ? le propriétaire ou le locataire ? L'ASLOCA de Genève a lancé une initiative populaire pour subventionner les rénovations énergétiques tout en limitant les hausses de loyer qu'elles pourraient entraîner. Et, cerise amère sur le gâteau bourratif, deux initiatives parlementaires fédérales de la droite, déposées en décembre, sont en consultation : elles demandent que les loyers soient fixés en fonction des lois du marché (le logement, un droit social ? pas du tout : une marchandise comme une autre...)... En réponse à quoi l'ASLOCA annonce le lancement d'une initiative populaire fédérale révisant le droit du bail afin que les loyers ne soient pas mécaniquement soumis au marché. Et proclame sa volonté d'empêcher tout révision du droit du bail renforçant cette soumission.

Les deux révisions  du droit du bail contre lesquelles des référendums ont été lancés et ont largement abouti, faciliteraient les résiliations de bail en cas de sous-location et de besoin propre du bailleur. Ces deux révisions ont un même but : affaiblir la protection des locataires contre les résiliations de bail pour faciliter les augmentations de loyer au moment du changement de locataire. Elles sont aussi une même source : la droite du parlement, l'UDC et le PLR, dont les représentants cumulent, avec ceux du Centre, plus de 70 mandats dans le secteur de l'immobilier et de la propriété foncière. Aujourd'hui, les locataires peuvent sous-louer tout ou partie de leur logement, à condition d'obtenir l'accord préalable du bailleur -qui ne peut le refuser sans justifier ce refus. L'UDC a fait accepter par le parlement fédéral une modification de la loi rendant la sous-location (et la co-location, puisque de nombreuses co-locations sont en fait des sous-locations) plus difficile : l'accord du bailleur devrait être donné par écrit, le locataire principal devra donner des informations plus détaillées sur le contrat de sous-location et sur l'identité du ou de la sous-locataire, la sous-location pourrait être limitée par le bailleur à deux ans.

La deuxième modification proposée du droit du bail vient du PLR : elle veut faciliter les résiliations de bail en cas de "besoin personnel" du propriétaire, qui n'aurait plus besoin de démontrer que son "besoin" est urgent, et pourrait plus facilement se débarrasser d'un locataire, même de longue date, pour pouvoir relouer le logement à un loyer plus élevé. Actuellement, un locataire a trente jours pour contester une hausse de loyer s'il la considère comme abusive. C'est trop, estime la droite, surtout que le Tribunal fédéral a admis que la pénurie de logement pouvait être un motif de contestation du montant du loyer. Du coup, la majorité bourgeoise (et propriétaire) du parlement a mitonné un projet de loi imposant au locataire contestataire de devoir prouver qu'il a été contraint d'accepter le loyer initial de son logement par nécessité personnelle ou familiale. Et peu importerait dès lors qu'on soit ou non en situation de pénurie. Encore un  pas, et il faudra prouver qu'on est sans domicile fixe, à la rue et rhumatisant pour pouvoir défendre son droit à ne devoir payer qu'un loyer qu'on peut payer. Pourtant, les locataires n'ont nullement abusé du droit que le Tribunal fédéral leur a accordé : sur plus de 25'000 procédures de conciliation entre locataires et bailleurs ouvertes en juin et décembre 2023, seules 571 portaient sur des contestation de loyer initial... et pas plus de 0,3 % sur de nouveaux contrats de bail.

Le 23 mars dernier, entre 1500 et 3000 personnes manifestaient à Genève pour "des logements pour les gens, pas pour faire de l'argent". Simpliste ? Non : seulement le rappel d'un droit fondamental, et d'une obligation non moins fondamentale de se battre pour le faire respecter.


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