Le "cas Trump" : insubmersible ?


Yellow madsubmarine


Il y a un "cas Trump" : on se dit que ce type infantile, inculte, égocentrique (un "enfant-président dangereusement instable", selon un militant démocrate de l'Iowa, cité par "Le Monde") n'a pu arriver que par hasard, inadvertance ou tricherie à la tête de l'encore première puissance mondiale... mais non : il y a été élu régulièrement, certes dans le cadre d'un système  archaïque qui permet à quelqu'un qui a obtenu moins de suffrages populaires que son adversaire de l'emporter -mais c'est le jeu légal, son adversaire y jouait aussi, et c'est Trump qui y a gagné. Après l'avoir vu à l'oeuvre pendant quatre ans, on se dit alors que les Américains vont évidemment sonner la fin de la récréation et le renvoyer là d'où il est venu... mais non, il est plutôt bien parti pour être réélu. Il peut dire n'importe quoi, faire n'importe quoi, soutenir n'importe qui, trahir les alliés des Etats-Unis (les Kurdes, par exemple), renforcer les régimes qu'il prétend vouloir affaiblir (celui de la Corée du Nord, par exemple), sa base électorale ne bouge pas, et son parti non plus : le 5 février, le Sénat, à majorité républicaine, l'a acquitté des chefs d'accusation (abus de pouvoir, entrave à la bonne marche du Congrès) que la Chambre des représentants, à majorité démocrate, lui avaient collés sur le râble en lançant maladroitement une procédure de destitution qui n'avait aucune chance d'aboutir, du fait même de la caporalisation du parti du président par le président, et quelle que soit la véracité des accusations portées contre lui -notamment de celle, confirmée par de nombreux témoignages (que le Sénat n'a pas voulu entendre) sur le marché proposé par Trump à son homologue ukrainien : une aide militaire en échange d'enquêtes visant le fils de l'un de ses possibles adversaires à l'élection présidentielle, Joe Biden. Aujourd'hui (mais on ne sait rien de demain, puisqu'on ne connaît pas encore son adversaire), Trump apparaît encore presque insubmersible. Un comble, pour ce gros yellow madsubmarine...

Trouver à Trump une alternative capable de le vaincre : vaste programme...


Mercredi dernier, le Sénat des USA a repoussé, comme tout le monde s'y attendait, l'engagement d'une procédure de destitution du président Trump, engagement demandé par la Chambre des Représentants (l'autre chambre du Congrès américain). Le Sénat a repoussé cette procédure, sans examen et sans audition (Trump a en outre limogé deux membres de son administration, un lieutenant-colonel et un ambassadeur, pour les punir d'avoir témoigné lors de l'enquête menée par la Chambre des Représentants) : la majorité républicaine a fait bloc derrière le président républicain, à une seule dissidence près : celle du sénateur de l'Utah, Mitt Romney, ancien candidat à la candidature en 2012. Romney a jugé, comme les Démocrates, le président coupable d'abus de pouvoir et de violation de son serment  : le petit chantage ukrainien de Trump "était une attaque flagrante contre les droits des électeurs, nos intérêts en matière de sécurité nationale, et nos valeurs fondamentales". Et Romney d'estimer que cette "corruption d'une élection pour se maintenir au pouvoir est peut-être la violation la plus abusive et la plus destructrice du serment prêté (par le président élu) avant de prendre ses fonctions". Cette prise de position a valu à Romney d'être ipso facto traîné dans la boue sur les réseaux sociaux par les trumpistes. 


De la polémique sur le destitution de Trump, les USA sortent encore plus divisés qu'ils n'y étaient entrés (et ils y étaient entrés déjà totalement divisés, en deux camps de force égale, autour de 50 % chacun : ceux qui ne veulent plus de Trump comme président, et ceux qui en veulent encore -et qui s'il était possible, jusqu'à sa mort. Le 4 février, Trump a délivré devant le Congrès un "discours sur l'état de l'union" particulièrement agressif, ce qui a conduit la présidente (speaker) de la Chambre des représentants, la Démocrate Nancy Pelosi, a déchiré spectaculairement l'exemplaire du discours que lui avait remis le président. 


Reste à lui trouver une alternative, à Trump. Et une alternative capable de le vaincre, dans une élection dont le processus archaïque rend nécessaire un rapport de force très clair : Trump a en effet été élu en ayant obtenu moins de suffrages populaires que son adversaire, Hillary Clinton -mais celle-ci a perdu dans des Etats déterminant pour constituer une majorité dans le collège électoral indirect qui désigne le vainqueur. 


Qui, alors, face à Trump ? Les deux premiers "caucus" ont permis d'écrémer la soupe démocrate, et il ne reste plus guère que six candidatures à la candidature. Qui toutes proclament que leur seul objectif est de battre le président actuel -qui lui, assure qu'"en novembre, nous battrons les démocrates socialistes",  et la "gauche radicale" -ce dont à vrai dire aucun candidat ni aucune candidate ne fait partie, pas même Bernie Sanders.


Il y a d'abord, en pole position, Bernie Sanders, à qui la nomenklatura démocrate est franchement hostile, du fait de son programme socialisant (salaire minimum à quinze dollars, sécurité sociale. gratuité des études universitaires) et  du soutien dont il dispose, notamment auprès des jeunes (41 % des électeurs démocrates de l'Iowa de moins de 35 ans l'ont soutenu : les jeunes soutiennent le vieux, les vieux soutiennent le jeune Buttigieg). Bernie Sanders disposerait ainsi du soutien de 25 % des électeurs démocrates au plan national,  alors qu'il se définit lui-même comme socialiste (ce qui pour Joe Biden représente un "risque"), soutien qui se manifeste notamment par les fonds qu'il a réussi à récolter. : 96 millions de dollars récoltés en 2019, plus 25 millions en  janvier, essentiellement récoltés auprès de petits donateurs.

Il y a Elizabeth Warren, qui chasse sur les mêmes terres politiques que Sanders (la gauche du parti), mais est distancée par lui.

Il y a aussi Pete Buttigieg, qui a fait jeu égal avec Bernie Sanders aux "caucus" de l'Iowa et du New Hampshire, et qui se présente à la fois comme un candidat du changement et du consensus : il faut "laisser la politique du passé, tourner la page et apporter du changement à Washington".

Sur la même ligne, il y a Ami Klobuchar, arrivée en troisième position au New Hampshire.

Il y a encore Joe Biden, l'ancien vice-président de Barack Obama, distancé par les trois autres.
Il y a enfin, en embuscade, Mike Bloomberg, milliardaire et ancien Maire de New-York, qui dispose d'une fortune de 60 milliards, et réfute l'hypothèse d'une élection finale se jouant entre deux milliardaires en demandant : "qui est l'autre ?"... Il a contourné les premiers "caucus" pour se concerner sur ceux du "supertuesday", début mars,  où se tiendront ceux de 14 Etats (dont les deux plus peuplés avec New-York et la Floride, la Californie, le Texas...) désignant le quart des délégués à la convention de désignation du candidat-


En attendant quoi l'opposition à Trump se retrouve avec le vieux dilemme de toute élection au scrutin majoritaire (même indirect, comme aux USA), dilemme que la gauche française a connu pendant tout le temps, révolu, où elle pouvait espérer emporter l'"élection suprême", celle de la présidence de la République : quelle candidature est la mieux à même de rassembler derrière elle une majorité de l'électorat (et, aux USA, dans une majorité d'Etats) ? Une candidature de combat ou une candidature de consensus, capable d'attirer à elle une partie de l'électorat centriste et de l'électorat sans préférence politique ? Trump a été élu sur le mode de la candidature de combat. Face à lui, Bernie Sanders se présenterait le même mode. Mais Clinton avait, lui, été élu sur le mode de la candidature de consensus -et là, c'est Buttigieg qui serait le candidat idéal, plus que Joe Biden. Et on a beau assurer au sein de la base du parti qu'on va "faire bloc" contre Trump, dans les "primaires" le "bloc" tient plutôt de la mosaïque, Sanders et Warren assurant que seul un programme de gauche mobilisera la base, Buttiglieg et Biden qu' un tel programme repoussera vers Trump tous ceux pour qui toute étiquette de gauche est un repoussoir. 


Et pendant ce temps, Trump présente le budget de l'Etat fédéral en le basant sur une hypothèse de croissance de 3 % que tous les analystes considèrent comme exagérément optimiste, mais qu'il utilise pour un arrosage massif du complexe militaro-industriel (740,5 milliards de dollars de dépenses militaires), un gaspillage de deux milliards pour un mur avec le Mexique... et des coupes massives dans le remboursement des médicaments, les aides aux handicapés, les programmes alimentaires et les aides internationales. Un vrai programme de droite, au cas où y opposer un vrai programme de gauche effrayerait encore... dans un pays où 43% des jeunes de 18 à 29 ans disent, dans un sondage, préférer le socialisme au capitalisme... 

Commentaires

Articles les plus consultés