Dernier rapport du GIEC : des dommages climatiques déjà irréversibles
Réchauffer nos choix politiques
Hier tombait le dernier rapport des experts de
l'ONU pour le climat, le GIEC. Le rapport dresse un bilan plus
qu'inquiétant des effets déjà en cours, et souvent
irréversibles, du réchauffement climatique : trois milliards et
demi de personnes en sont déjà affectées, un milliard vivront
d'ici 2050 dans des zones côtières à risque de submersion, les
catastrophes climatiques (canicules, sécheresses, inondations,
incendies, fonte des glaciers, des banquises, du permafrost)
devraient se multiplier et s'accroître. Il est donc urgent de
préparer les sociétés humaines à cet avenir brûlant, en agissant
dans tous les domaines et à tous les niveaux, sans se limiter
aux mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre
puisque la tendance au réchauffement est irréversible et qu'il
devient nécessaire de s'y adapter. Agir dans tous les domaines,
c'est précisément ce que peuvent et devraient faire les
collectivités publiques de pays comme le nôtre, d'autant que le GIEC désigne les villes
comme l'un des espaces où les possibilités d'action sont les
plus nombreuses, et les plus urgentes. A Genève, le Conseil
d'Etat a présenté fin octobre son plan climat et il y a une
semaine, le Conseil
administratif de la Ville de Genève présentait la stratégie
qu'il propose pour la transition écologique et sociale, avec les
mêmes objectifs que le canton : réduction de 60 % des émissions
de gaz à effet de serre d'ici 2030, neutralité carbone en 2050.
Trop tard pour freiner le réchauffement, pas trop tard pour se
préparer à le supporter. En réchauffant nos choix politiques.
Les villes, champ d'une action contre le
réchauffement climatique
La moitié de la population mondiale vit dans les
plus grandes villes. Or l'urbanisation croissante de la planète
se traduit par la dénaturation des sols urbains, la réduction de
la couverture végétale, une co sommation excessive et, dans
nombre de mégapoles une faiblesse, voire une absence de
planification urbanistique, des niveaux élevés de pauvreté, de
chômage et d'exclusion sociale, une faiblesse structurelle des
services publics, y compris les plus essentiels. Sans doute la Suisse est-elle préservée des maux
des mégapoles du monde, ses plus grandes villes ne rassemblant
qu'une population équivalant à quelques arrondissements des
grandes villes européennes, lesquelles ne rassemblent
elles-mêmes qu'une population largement inférieure à celle des
mégapoles du sud, mais si modeste en taille et en population
qu'elles soient les villes suisses, comme les autres villes
d'Europe, peuvent être le champ d'une action publique, d'une
politique, aux effets positifs rapidement mesurables. Le GIEC,
précisément, appelle à cette action, à cette politique,
notamment dans les domaines énergétiques et des transports. Or
ce sont précisément ces domaines (entre autres) que visent les
stratégies proposées à Genève par le canton et la Ville.
La Municipalité genevoise propose 78 mesures
concrètes, et plaide pour que les politiques publiques, les
projets, les prestations, les décisions politiques,
administratives, financières soient "repensées à l'aune de la
transition écologique", selon les mots de la Maire, Frédérique
Perler. Le plan est ambitieux (Le Conseil administratif a déjà déposé au Conseil
municipal des premières demandes de crédit, pour un total de
150 millions de francs, pour améliorer l'isolation thermique
des bâtiments et des vitrines des arcades et équiper les
bâtiments municipaux de chauffages centraux. ) : revoir
les modes de consommation des biens et service (en favorisant la
"seconde main", la consommation locale, développer le recyclage
et une nourriture moins carnée), de mobilité, changer de sources
énergétiques. La Ville devrait développer le photovoltaïque, la
canopée et la végétalisation des toits, bannir les chaudières à
mazout, désimperméabiliser les sols, développer l'accès à l'eau,
convertir son parc de véhicules à l'électrique, supprimer la
moitié des places de stationnement dans l'hypercentre, le tiers
dans les quartiers résidentiels, pour les convertir en
aménagements piétons et cyclistes,en espaces verts, en lieux
récréatifs. Elle entend aussi "verdir" sa politique financière,
en agissant sur ses propres fonds d'investissement et sa caisse
de prévoyance, et en émettant des emprunts obligataires "verts",
éthiques.
On notera tout de même une absence, tant dans la stratégie municipale que dans la stratégie cantonale : la réduction du temps de travail. C'est grand dommage, parce que cela suggère que ces deux collectivités restent prisonnières d'un cadre intellectuel et politique et de réflexes stupidement comptables, qui sont précisément ceux qui assurent la pérennité du système dont il importe, urgemment, de sortir. Car la crise écologique pose la question sociale : elle est la résultante d’un mode de production, d’un système de propriété et d'organisation du travail : le capitalisme. Tout, y compris la personne humaine, devient marchandise, de cette marchandise on tire un profit, qui permet d’acheter d’autres marchandises. Accepter le cadre du capitalisme, s’est se rendre incapable de sortir de cette impasse : il n’est de solution à la crise écologique que dans un changement profond et radical du système économique et social, ce changement impliquant un changement du système politique. Il s’agit bien d’une lutte collective : la simplicité volontaire est admirable, mais n’a qu’un effet marginal : ce dont il doit s’agir, c’est de la fin pure et simple de la mercantilisation du vivant, de l’appropriation privée de l’espace et des ressources naturelles, de la capacité d’une minorité de décider à la place de la majorité et de lui imposer les conséquences de ses propres comportements : les 63 Français les plus riches relâchent autant de gaz à effet de serre que la moitié (presque 35 millions de personnes) de la population française, et on ne jurera pas que le rapport soit fondamentalement différent en Suisse, entre les salopeurs et les salopés.
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